L"Adieu à la nuit raconte la douleur, l'impuissance d'une grand-mère face à la radicalisation religieuse de son petit-fils. L'action se déroule dans une ferme dans le sud de la France, à l'abris de toute surveillance policière ou représailles quelconques, où André Téchiné dépeint une fracture générationnelle imprévue, puissante, inguérissable. C'est avant tout un récit de personnages, chacun enfermés dans ses convictions, avant d'être une retranscription sociologique et politique de ce mal qui ronge notre société de l'intérieur. On ne cherche pas à expliquer ni à comprendre les motifs d'un tel choix, tout comme on ne s'apitoie pas sur la détresse de la grand-mère. Cette neutralité des émotions apporte force, courage et détermination à ces personnages mais aussi une certaine distance au spectateur pour "digérer" un tel sujet dont l'actualité criante peut en effrayer plus d'un.
Le récit se veut assez lent et long dans son développement. Mais bizarrement, ça ne sollicite pas notre ennui. On observe la prise de conscience éberluée de la grand-mère et la conviction folle et grandissante de son petit-fils qui se ferme progressivement à toute compassion ou concession. La mise en scène prend des risques, notamment dans sa représentation du djihadisme, de sa capacité à toucher la jeunesse, de la place de la femme dans leur coutume, des fichés S dans notre société et du désir profond de sacrifice pour une cause supérieure. Il y a sujet à polémiquer, certes, mais le regard du réalisateur, distancié de toute affectivité pathos, cerne avec justesse et sobriété des personnages en plein tumulte intérieur. Catherine Deneuve est très touchante dans sa lutte et Kacey Mottet-Klein, imperturbable et fort, est effrayant de justesse. Oulaya Amamra manque parfois de nuances mais les convictions extrêmes de son personnage aguichent souvent notre malaise.