Procès en huis-clos
C’est sur plateforme (Paramount+) et à titre posthume qu’il nous est finalement donné de découvrir le dernier film du réalisateur William Friedkin.Lui qui avait su proposer un cinéma à sensation,...
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le 25 avr. 2024
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The Caine Mutiny Court-Martial est l'adieu cinématographique de William Friedkin puisqu'il est plus que certain, du fait d'un inévitable rendez-vous avec l'autre monde, qu'il n'y aura pas d'autre film de lui après. Et si la postérité retient un peu cette œuvre, ce sera uniquement pour sa place de dernier (pour ce qui est de l'ordre chronologique !) dans une filmographie très inégale, mais qui a des sommets incontestables.
Déjà, visuellement, c'est une déception. Cela ne se distingue pas du film de plateforme moyen (ce qu'il est, étant donné sa sortie directe sur Paramount+ with Showtime !), avec une image lisse, sans le moindre contraste. Il n'y a rien à trouver de ce côté-là. D'un tâcheron de dixième zone, cela ne m'aurait pas vraiment choqué (ou, du moins, surpris !), mais d'un monsieur qui a donné des images mémorables, des fulgurances esthétiques incroyables, que ce soit dans des environnements froids et gris que dans des environnements, au contraire, chauds et lumineux (oui, je pense à French Connection, à Sorcerer et surtout, bien sûr, cela va sans dire, à L'Exorciste !), d'un monsieur qui arrive à me faire croire qu'un film, ayant (au moment lors duquel j'écris cette critique !) un demi-siècle, paraît trente ans de moins (non, mais j'ai du mal à m'enfoncer dans le crâne que L'Exorciste date de 1973, tellement dans ses effets visuels, dans ses maquillages et dans son esthétisme en général, ça fait bien plus moderne !)... bref, de la part de ce monsieur, si, ça me choque.
Bon, pour l'histoire, c'est adapté d'une pièce de théâtre (oui, à part dans l'épilogue, on ne quitte pratiquement pas la salle de procès d'une cour martiale !), adaptée elle-même d'un roman, The Caine Mutiny, le tout par le même auteur, Herman Wouk. Il est à signaler que le roman a eu le droit à une adaptation au cinéma, en 1954, réalisée par Edward Dmytryk. Un long-métrage bien écrit en ce qui concerne l'intrigue principale, autour de ce qui amène à la mutinerie et de ce qui s'ensuit (à savoir le procès !), bénéficiant de très bonnes interprétations de vieux de la vieille, en particulier d'Humphrey Bogart qui donne une des meilleures performances de sa carrière en lieutenant commander tyrannique, paranoïaque, incapable de se contrôler lorsque les circonstances l'exigent absolument, tétanisé face au danger. Mais, malheureusement, l'ensemble pâtit de véritables images d'archives mal incrustées, de séquences d'action ayant déplorablement mal vieilli (on voit à des milliards de kilomètres que c'est une maquette qui est employée lors des scènes se déroulant pendant l'ouragan !), d'une romance insipide ainsi qu'inutile et d'acteurs jeunes fadasses.
Le Friedklin, lui, donc, se concentre que sur le procès pour mutinerie. Le tout ne se déroule plus durant la Seconde Guerre mondiale, mais a été réactualisé à base de Moyen-Orient post 9/11. Alors, bon, s'il y a un côté positif à signaler, c'est dans le jeu de certains des comédiens, impeccables, qui montrent qu'ils ont de la bouteille, à l'instar de Jason Clarke, en avocat bien malgré lui, du regretté Lance Reddick (à qui le film est dédié !), n'ayant aucun mal à imposer une autorité naturelle en juge du tribunal, et de Kiefer Sutherland, qui reprend sans faillir le rôle pourtant difficile qui avait été assuré par Bogart. Par contre, Jake Lacy (en accusé !) et Lewis Pullman sont trop transparents pour marquer les esprits. Ce qui a pour conséquence que l'épilogue, se déroulant après le procès et en dehors de la salle du tribunal, lors duquel les personnages qu'ils incarnent prennent une place importante, n'a pas l'impact qu'il aurait pu avoir, non pas du fait de l'écriture scénaristique (faisant apparaître les personnages en question quand il le faut !), mais de celui du manque complet de charisme des deux acteurs, qu'on oublie facilement. Sans parler (ce qui n'arrange rien à l'affaire !) qu'ils se font pulvériser totalement, à ce niveau-là, par les Clarke-Reddick-Sutherland.
Et, dernier point... bordel, c'est quoi cette chanson pop balancée de nulle part lors du générique de fin ? Je pense que ça ne va pas du tout, mais alors pas du tout, avec un ensemble solennel.
Alors, vous allez me dire, à juste titre d'ailleurs, que j'ai beaucoup blablaté sur la partie la plus célèbre de la filmo de William Friedklin (me permettant de faire un petit bilan de ce qu'est pour moi ce réalisateur, auquel je n'ai jamais réussi à m'intéresser, qui n'a jamais réussi à m'impacter, si je fais une grande et belle exception pour les trois films susmentionnés dans le deuxième paragraphe ainsi que pour sa personnalité drôle, tranchante et délicieusement un peu mytho dans ses interviews !), sur le film de Dmytryk et pas tant que cela sur l'œuvre en question.
La raison en est que si cela n'avait pas été le dernier film du réalisateur de L'Exorciste, je ne l'aurais pas distingué particulièrement de la très grande majorité des centaines et des centaines de films impersonnels, postés directement sur les plateformes VOD chaque année, sans la plus petite ambition formelle et scénaristique (par chance, ici, sur ce dernier point, le matériau de base est suffisamment solide !). En résumé, il n'y a pas grand-chose à en dire.
Allez pour conclure, merci, William Friedklin, pour cette séquence savoureuse de filature dans le métro new-yorkais, pour cette course-poursuite incroyable en voiture dans French Connection. Merci pour cette gradation pleinement maîtrisée dans l'horreur, tout en n'oubliant jamais d'insuffler de la consistance aux personnages avec un regard clinique, dans un environnement crédible, pour son lot de moments effroyablement inoubliables dans L'Exorciste. Merci pour ces minutes redoutablement anxiogènes, d'un réalisme brut, de la traversée du pont dans Sorcerer. Reposez en paix, Monsieur.
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Créée
le 9 oct. 2023
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