Film très étonnant, à la fois dans le paysage du cinéma français, mais aussi dans la carrière de son réalisateur, Gérard Pires, que l'on connaît aujourd'hui surtout pour ses navets (Taxi et Double Zéro entre autres), L'agression (1975) s'inscrit dans le cadre du vigilante movie, genre alors en vogue aux États-Unis dans les années 70 et 80, mais que l'on retrouve de manière beaucoup plus discrète par chez nous, tant la liste s'avère courte. Citons tout de même des films comme : "La horse (1970)" avec Gabin, "Que la bête meure (1973)" de Chabrol, "Légitime Violence (1982)" de Serge Leroy ou bien encore "Tire Groupé (1982)" avec Gérard Lanvin.
Pour résumer : face à l'inaction de la police, un père de famille (Jean-Louis Trintignant) va décider de se venger, après que sa femme et sa fille aient été, semble-t-il, tuée et violée par un groupe de motards suite à leur passage sur une aire d'autoroute. Il sera alors accompagné dans sa quête par sa belle-sœur (Catherine Deneuve).
Film hallucinant à bien des égards, écrit par Jean-Patrick Manchette, le métrage brille par ses scènes de poursuites avec les motards, toutes d'une grande efficacité. L'agression, d'une tension folle, dont vont être victime Trintignant et sa famille, est filmée comme une attaque de diligence dans un western, la séquence prends alors des airs quasi mad-maxienne avant l'heure avec cette autoroute désertique et ses bikers sadiques.
Le film bénéficie également d'une ambiance très étrange et ambivalente, et l'on pourra régulièrement se poser des questions sur les motivations et le ressentit des personnages, Trintignant et Deneuve en tête, tant leurs réactions semblent détachées face à cet événement traumatique, sans oublier le tenancier joué par un Claude Brasseur halluciné, comme une sorte de dérivé pervers du John Travolta de Blow out (De Palma, 1981). Gageons cependant que ce parti-pris pourra en rebuter plus d'un, et c'est peut-être là, ça limite (mais aussi son point fort), tant il s'éloigne de ce à quoi le public peut s'attendre dans un tel film.
Il faut aussi saluer, la façon dont l'équipe artistique réussie à encrer le film dans un contexte bien français, quand bien même le genre abordé s'avère être principalement américain. N'essayant pas de copier bêtement nos amis d'outre Atlantique, les décors présentés ici s'insère parfaitement dans une banalité bien française, avec notamment ce restaurant d'autoroute. Le film se sert également très habilement et de manière presque fantasmagorique de la peur phobique des blousons noirs, éprouvé par une certaine bourgeoisie de l'époque dans notre pays.
Constamment surprenant, l'Agression se suit avec un réel plaisir pour qui saura accepter la proposition presque expérimentale proposée par Manchette et Pires, tant le film semble prendre à contre-pied les attentes de son spectateur dans une étrangeté propre à son époque, les années 70.