Voici encore Errol Flynn à la manœuvre, cette fois, comme corsaire préféré de sa Majesté Elisabeth I au moment des embrouilles hispano-anglaises qui devaient conduire au lancement de l'Armada par Philippe II d'Espagne.
Ce n'est pas sans rappeler les deux précédents films de Michael Curtiz avec Errol Flynn "Capitaine Blood" et surtout "Les Aventures de Robin des bois" qui se déroulent à d'autres époques.
Disons-le tout de suite que "l'aigle des mers" a été tourné en 1941 et est un vibrant film politique dont on voit bien le parallèle entre les situations historiques Philippe II / Elisabeth I et Hitler / Churchill. D'ailleurs la conclusion portée par Elisabeth à la fin du film ne peut tromper personne sur le sens du film.
Même si l'image et la photographie sont très bien rendues avec la couleur N&B (ou sépia suivant le moment), on peut regretter que l'effort n'ait pas été fait d'aller jusqu'à la couleur. Ce n'est pas grave tant l'histoire d'une part et le casting d'autre part sont absolument fantastiques.
Errol Flynn nous enchante encore une fois dans ce film sachant qu'en observant finement "Robin des Bois" et l'Aigle des mers", le jeu de l'acteur n'est pas tout-à-fait le même, comme s'il avait tenu à ce qu'on ne confonde pas les deux rôles. Ici il me parait à la fois un peu plus enjoué (des sourires en coin) mais aussi un peu plus timide ou réservé (vis-à-vis des des deux femmes qu'il est amené à côtoyer). De toute façon, ne chipotons pas, il est irréprochable et passionnant.
Brenda Marshall qui joue le rôle de la nièce de l'ambassadeur d'Espagne (qui se substitue, en quelque sorte à O. de Havilland) est superbe de retenue et de modestie démentis par un regard de braise (très très espagnol, ma foi, alors qu'elle serait d'origine norvégienne, nul n'étant parfait ni devin en son royaume). De splendides portraits d'elle sont tirés par Curtiz. Elle est accompagnée par l'inénarrable mais habituelle dame de compagnie, Una O'connor avec sa petite voix aigrelette et son petit regard qui en dit plus long que le personnage ne devrait.
Mais le personnage remarquable de ce film est bien Flora Robson (que je ne crois pas avoir remarqué dans d'autres films) dans le rôle de la reine Elisabeth I qui a un jeu tout en finesse et qui semble s'amuser follement entre les positions officielles face à ses ministres ou face aux espagnols et le jeu qu'elle joue avec Errol Flynn. En effet, les caisses de l'Etat étant vides, elle semble se complaire à naviguer en eaux troubles avec sa compagnie de corsaires pour aller chercher l'or là où il se trouve.
Il semblerait d'après wikipedia que ce n'est pas la première fois que Flora Robson endosse ce rôle.
Pour le producteur et le réalisateur, ça devait être assez évident de choisir cette actrice pour ce rôle.
Parmi les autres rôles,
Alan Hale joue un rôle, assez habituel , de compagnon ou de second d'Errol Flynn. Ici en butte aux moustiques et au rentre-dedans d'Una O'Connor.
Claude Rains en ambassadeur d'Espagne tient sa place mais sans éclat.
La présence d'Edgar Buchanan est citée comme un marin mais je n'ai pas réussi à le débusquer.
Pour finir, la mise en scène est somptueuse que ce soit au niveau des combats sur les bateaux ou même à terre : l'arrivée de la Reine dans son palais pour l'entrevue avec les Espagnols est particulièrement soignée avec une caméra en plongée (dominatrice ?).
La scène entre Errol Flynn et Flora Robson (la reine), qui tient presque du marivaudage, avec une expression très mobile du visage de Flora Robson et une caméra qui semble tourner autour des deux acteurs est absolument jouissive (...). Le singe qui change de propriétaire, en douce, accentue encore le caractère romantique de cette scène.
Je pense aussi à la scène sur le bateau où Brenda Marshall boude à propos du vol de ses bijoux et de la réponse de Flynn (très politique) sur l'origine aztèque des bijoux, ayant, probablement, déjà fait l'objet d'un vol.
Et c'est une belle performance de Michael Curtiz d'avoir mêlé adroitement une (belle) romance à l'Histoire et à son message patriotique et politique.