Mocky, à côté de sa représentation devenue fameuse dans "Strip-tease", que reste-t-il de ses films en eux-mêmes ? On sait tous que sa filmographie est gargantuesque, et que, mine de rien, il a rencontré du beau monde (d'ailleurs ce film est dédié à Bourvil). Mais ses films en eux-mêmes sont des séries B très attachantes pour leur esprit très adolescent et cette volonté de bousculer les codes du cinéma sans que l'histoire ne suive.
Je voulais que "L'albatros" soit mon premier Mocky, déjà parce qu'il y a Léo Ferré à la BO. Donc je suis pas objectif, même si ça me perturbe à mort qu'il ait utilisé le thème principal pour son adaptation du "Bateau Ivre" de Rimbaud (pour les curieux, https://www.youtube.com/watch?v=VAWa89Rv1AY : vous allez voir c'est magnifique). Ensuite parce que je pressentais que cette histoire d'évadé, prenant en otage la fille d'un politicien bien évidemment pourri, cherchant à fuir son passé troublé... Je me demandais ce que ça devenait sous son œil, connaissant son caractère tempétueux. Ça rend un film vraiment TRÈS adolescent : tout est simplifié à l'outrance, même le syndrome de Stockholm. Mais, je suis désolé, il a un charme incroyable qui s'en dégage. Il y a une naïveté écorchée qui dirige toute la dramaturgie du film, un véritable esprit artisanal qui rend justice aux intentions de Mocky. Bien sûr que, dès que l'impeccable et magnifique Marion Game dit qu'elle est encore célibataire et qu'à la seconde d'après Mocky la prend en otage, on sait qu'ils vont finir par coucher ensemble. Mais, honnêtement, si c'est pour aboutir à cette magnifique scène où ils font l'amour en silhouettes devant les policiers impuissants, j'accepte les radars que vous voulez ! Bien sûr, les répliques politiciennes sont nanardesques, mais tu finis par te dire "hé mais en fait... C'est toujours d'actualité ce qu'ils sont en train de dire !". D'autant plus que les répliques à romance sont, elles, très bien écrites. Pourtant, cette même romance prend des raccourcis aussi gros que les yeux de Iggy Pop.
Et c'est comme ça tout le temps. Toujours un petit mal pour un grand bien.
Mocky est habité par son archétype cliché, il y croit à fond, et il emmène tout le monde avec lui. Et c'est ça qui est fort : le montage est à l'évidence foireux, surtout avec les scènes d'action qu'il ne maîtrise absolument pas, des longueurs se font sentir, même l'effet voiture sent la technique des films américains des années 40... Mais cela finit par jouer à l'avantage du film. Il est bringuebalant, et fier de l'être, parce qu'après tout, ce film ne se revendique-t-il pas d'un esprit libertaire et vagabond ? Et donc, au final, "L'albatros" est incontestablement maladroit, imparfait, bordélique comme une chambre d'ado, mais il est aussi incontestablement sincère, cool et agréable comme un petit air de folk. Mocky n'est pas que le braillard de "Strip-tease" : c'est aussi et avant tout un mec bousillé de l'intérieur par ses révoltes.