Tout juste le Festival de Cannes vient de s’achever que L’Amant d’un jour débarque dans les salles, fort de son succès d’estime et de son prix distingué par le label SACD à la Quinzaine des Réalisateurs. Le dernier film de Philippe Garrel suit à nouveau les pérégrinations d’un couple dans une nouvelle et cohérente représentation des affres de l’amour. Initiée en 2013 avec La Jalousie et poursuivie par L’Ombre des femmes, la trilogie des tourments amoureux de Philippe Garrel a la particularité d’être filmée en noir et blanc. De l’aveu-même du cinéaste, il s’agit d’une question de budget mais c’est également une manière d’ancrer ses récits universels dans un espace qui devient par conséquence intemporel. Avec Emmanuel Mouret, Philippe Garrel est l’un des cinéastes français qui a su le mieux se distinguer pour évoquer l’amour dans ce qu’il a de plus charnel et destructeur.La mise en scène épurée permet de traiter avec la justesse nécessaire ces maux qui tourmentent le cœur des personnages. Comment ne pas s’identifier à Esther Garrel qui vient de subir la première rupture amoureuse de sa vie ? Comment ne pas sourire de malice face au regard passionné de Louise Chevillotte ? Comment ne pas ressentir la même colère qu’Eric Caravaca ? Tout ceci participe à nous ancrer dans un récit dont la forme minimaliste permet de se concentrer avant tout sur la représentation des situations et l’écriture des dialogues. Mais si dispositif réduit il y a, il ne faut en aucun cas enlever au directeur de la photographie Renato Berta la maîtrise de son travail esthétique, notamment sur les courants de lumières et les cadres. Par ailleurs, il n’y a bien que chez Garrel où l’on filme aussi bien les balades à deux dans les rues de Paris, ponctuées des dialogues les plus importants comme si l’extérieur était le meilleur endroit pour oser se dire les choses. La vérité est à l’extérieur alors que les lieux clos sont synonymes de tromperie et de mensonge. La voix-off apporte un regard externe qui participe incontestablement à la réussite du film, comme s’il s’agissait d’un conte universel que l’on pourrait raconter aux amoureux d’aujourd’hui. L’amour blesse, mais la vie continue et des blessures, il y en aura d’autres.
Dernier volet de la trilogie de l’Amour de Philippe Garrel, L’Amant d’un jour est sans conteste l’apogée d’un cinéaste qui a su représenter et magnifier les affres de l'amour.
Ses films se suivent et se ressemblent. Des hommes et des femmes, ils s’aiment, se trompent et s’aiment à nouveau avant de ne plus s’aimer. Ou bien est-ce l’inverse. Certains diront que Garrel raconte toujours la même chose mais ce serait manquer d’attention face aux changements qui s’opèrent de films en films. Toujours est-il que si le propos reste le même, Philippe Garrel est de ces cinéastes qui peuvent se vanter de saisir des thématiques maintes fois évoquées mais qui arrivent à toujours à nous toucher au plus profond de nous-mêmes. Dans le premier volet de sa trilogie, Philippe Garrel interrogeait la névrose chez la femme; le second invoquait la libido féminine et cet ultime opus traite de l’inconscience et des actions qui en découlent. Par son propos, L’Amant d’un Jour renvoie au Complexe d’Electre, soit le pendant féminin du Complexe d’Œdipe même s’il n’est pas totalement son contraire. Une jeune fille entretient une amitié avec sa belle-mère, du même âge qu’elle, mais son inconscient va la pousser à se débarrasser de cette rivale pour l’amour du père. Déjà amorcé dans les deux précédents volets, Philippe Garrel offre ainsi un large espace à la femme, la représente dans son entièreté et lui donne les rênes de son indépendance et de sa sexualité, contrairement à l’homme qui passe désormais au second plan. Le cinéaste offre ainsi une grâce sensuelle à ses comédiennes, belles de jour et de nuit. Avec ses airs d’Anaïs Demoustier, Louise Chevillotte sublime l’écran par sa simplicité et son charme naturel à chacune de ses apparitions, tandis qu’Esther Garrel émeut et amuse par sa naïveté face aux découvertes des tourments sentimentaux. Et même le plus philosophique des hommes (Eric Caravaca, romantique crédule et touchant) peut se révéler maladroit et surtout imbécile de croire que l’infidélité peut être supportée. A travers ce personnage masculin, le cinéaste évoque les blessures de l’infidélité lorsqu’elle est découverte mais il a toujours la justesse d’équilibre pour évoquer l’amour contemporain d’une jeunesse aussi frivole que passionnée, en témoigne ce baisé envolé lors du dernier plan du film.
Philippe Garrel l’a confirmé, L’Amant d’un jour signe la fin de sa trilogie autant que celle de son utilisation du noir et blanc, le réalisateur ayant atteint l’apogée de son art avec ces mêmes outils récurrents. Il n’y a bien qu’une remise en question et un renouvellement de son cinéma qui pourront le rendre encore plus fort. Mais pour l’instant, L’Amant d’un Jour est sans doute l’un des plus beaux drames que l’on verra cette année.
A retrouver sur CSM, avec tous les autres films vus au Festival de Cannes 2017.