L'extrait présent dans le documentaire de Bertrand Tavernier sur le cinéma français m'a convaincu de sauter le pas concernant un réalisateur aujourd'hui oublié ; Jean-Daniel Pollet. Et donc ce film-ci, qui conjugue à la fois la légèreté, le burlesque ainsi que la mélancolie.
Un jeune tailleur vit avec sa soeur, dont il croit qu'elle est diseuse de bonne aventure, alors qu'elle fait des passes, que son proxénète vient voir fréquemment. Mais l'amie de cette dernière va venir la voir quelques jours, et c'est le coup de foudre pour ce tailleur.
Déjà une chose à noter ; le casting y est formidable ! De Jean-Pierre Marielle à Bernadette Lafont en passant par Chantal Goya, tous sont irrésistibles Ou alors très vaches comme le truculent Marielle, très douce comme Chantal Goya, ou Bernadette Lafont qui n'a pas sa langue dans sa poche. Mais au fond, la grande surprise est ce Claude Melki jouant le tailleur ; acteur que je ne connaissais pas, oncle de Gilbert Melki, il est un sosie parfait de Buster Keaton, visage neutre y compris. Celui-ci joue au fond de cette ressemblance, au point qu'il se met aussi à imiter Groucho Marx avec une fausse moustache, et là aussi, l'identification fait mouche. Il est au fond très gentil, voire assez naïf, se fait mettre des claques par Marielle sans qu'il ne riposte, mais semble dans ce film comme la pureté absolue, celui qui craque pour Chantal Goya (et on le comprend) sans oser quoi que ce soit.
C'est vraiment lui qui rend le film si particulier, ainsi que la mise en scène extrêmement théâtrale, où l'action se passe à 99% dans ce petit appartement, avec l'impression que les acteurs rentrent ou sortent du champ de la caméra. Leur jeu fait également penser à du théatre, à parler souvent fort comme pour porter leurs voix au 5eme rang de la salle.
C'est une création originale, où la mise en scène doit pallier un budget sans doute réduit, mais qui peut déstabiliser. Et je regrette ce ventre mou au milieu où la situation de départ ne fait que se répéter jusqu'au final lui aussi d'une grande mélancolie, face caméra.
Je suis à deux doigts de dire que L'amour c'est gai, l'amour c'est triste est un OFNI dans le paysage cinématographique français, mais c'est un film qui a sa patte, qu'on le veuille ou non.
Cela dit, rien que pour entendre les bons mots de Marielle, qui me fait beaucoup rire en proxénète qui déclamerait du Audiard, j'ai passé un très bon moment.