Film que j'ai découvert récemment en lisant une critique sur SC (dont l'auteur se reconnaitra peut-être…) qui m'a donné envie de voir ce film, un des derniers de Grémillon réalisé en 1953.
C'est d'abord deux magnifiques portraits de femmes sublimés par un décor sauvage et une vie en vase-clos sur l'île d'Ouessant.
L'un, de Germaine Leblanc (Gaby Morlay), proche de la retraite qui aura consacré toute sa vie à "élever les enfants des autres". Des regrets, peut-être pas, mais sa hantise, c'est se retrouver seule. Elle emploie même le terme de "petite mort" pour décrire le passage de la retraite.
Alors qu'elle aura vu défiler pendant des dizaines d'années tous les gamins de l'île, Grémillon va souligner la cruauté de la vie et l'ingratitude des gens. Un sacerdoce n'est pas payé de retour, c'est bien connu.
L'autre, de la jeune doctoresse, Marie Prieur (Micheline Presle) qui arrive pour remplacer un vieux médecin qui a lui aussi longtemps exercé sur l'île et fait partie des meubles. D'où un début difficile pour Marie mais, aidée de Germaine Leblanc, elle montre sa compétence en sauvant une petite fille puis peu à peu s'impose aux habitants de l'île jusqu'à la magnifique opération de chirurgie dans un phare au large qu'il a fallu atteindre par gros temps. L'autorité qu'elle dégage alors subjugue tous les vieux briscards et loups de mer, fascinés qui l'assistent, dans un silence impressionnant.
Tout se termine au retour, comme il se doit, par une tournée au bistrot où elle s'enfile le coup de l'étrier, sans faire de chichis et est définitivement adoptée. Plus question qu'elle parte. C'est bien un autre sacerdoce que Marie Prieur est en train d'entreprendre.
En parallèle de ces deux itinéraires professionnels, naît une idylle entre Marie Prieur et André, un jeune ingénieur présent sur l'île le temps d'un chantier de quelques mois. Ils envisagent de se marier mais le problème qui se pose alors avec acuité c'est le départ de l'ingénieur vers d'autres horizons entrainant avec lui son épouse. Doit-elle alors abandonner son métier (sa raison de vivre, le fruit de beaucoup d'années d'études, le symbole d'indépendance) ou pas ?
L'institutrice, faisant parler, peut-être, un regret refoulé, pencherait pour la préférence à une vie d'épouse et de mère de famille comme le lui suggère vivement André alors que toutes les fibres de Marie lui hurlent le contraire.
La vie se chargera de trancher ce débat.
L'arrivée de la jeune institutrice, toute heureuse et encore pleine d'illusions, amènera un autre élément de réponse alors que la sirène du bateau annonce le départ définitif d'André de sa vie et de l'île.
Le film se termine en "fondu au noir" sur les yeux en larmes de Marie. Comme Grémillon avait fait dans "Remorques" avec les yeux en larmes de Gabin.
C'est certainement un des plus beaux rôles de Micheline Presle que Grémillon prend plaisir à mettre en scène derrière une fenêtre ou encore au milieu de la place, seule avec André, loin des habitants qui vaquent à leurs occupations ou encore au milieu de la lande, cheveux au vent ou encore concentrée et absorbée dans son travail. Une femme en prise avec la vie.
Et puis, concluons gaiment sur le personnage joué par l'inénarrable Carette, en bedeau, véritable et indispensable ciment des habitants de l'île, toujours prêt à profiter d'un petit coup à boire. Comme il se doit chez des îliens.