Rares sont les cinéastes qui placent l'architecture au cœur de leur mise en scène. Le fascinant Rolex Learning Center de Lausanne est ici lieu de transparences et de mystères, espace ouvert sur le monde, cadre de rencontres et de fuites propice à tous les espionnages. Comme la grammaire de base de l'architecture moderne est précisément la circulation entre l'intérieur et l'extérieur, la manière dont les frères Larrieu filment ce lieu, mais aussi le chalet du héros, la maison de son "ennemi", apporte au film sa singulière identité.
Marc parle comme un livre, sans doute parce qu'il enseigne l'art d'écrire à quelques fâcheux étudiants. C'est la littérature au cœur des paysages qui l'intéresse, la littérature comme paysage. Marc aime aussi les jolies étudiantes, au risque de mettre sa sœur en colère et son poste en péril. Quand l'une de ses conquêtes disparaît après avoir passé la nuit avec lui, tout se met à aller de travers.
L'amour est un crime parfait est un film sophistiqué, diablement élégant, subtilement décalé. Se construisant en marge d'une enquête policière dont on se moque un peu, il avance à l'orée des cimes enneigées qu'on admire à loisir. La narration est lente, les dialogues très écrits sonnent comme le cristal, la musique de Caravaggio enveloppe le tout d'une ambiance minérale. Si le twist final déçoit un peu, on prend un réel plaisir à suivre ces jeux d'amours et de hasards, qui lorgnent autant vers le surréalisme que vers Hitchcock.
Les comédiens servent la partition avec une belle élégance. Mathieu Amalric brille au milieu de femmes qui l'affolent [qu'il affole], de Karin Viard en déesse incestueuse à Sara Forestier en nymphomane colérique, en passant par Maïwenn en maîtresse mystérieuse. Élégant et ludique, le nouveau film des frères Larrieu nous joue une musique singulière, absurde et délicieuse.