L'Amour ouf
6.7
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

Le talent de Gilles Lellouche n’étant plus à démontrer depuis sa première œuvre en 2004, le réalisateur nous gratifie une nouvelle fois d’une mise en scène extrêmement sophistiquée, aux multiples références cinématographiques qui composent une fable naïve, dans laquelle l’amour fou apparaît comme le remède absolu à la violente cruauté du monde. Mais si la naïveté de Narco allait de paire avec la légèreté de son récit, remplit d’humour et de personnages farfelus ; celle de l’Amour Ouf contraste fortement avec la noirceur et le sérieux de son univers.


Le mélange s’opère donc difficilement, surtout avec un scénario aussi caricatural. Entre le gentil loubard piégé dans l’engrenage infernal du crime organisé ; la gentille fillette qui se prend d’affection pour ce mauvais garçon et sera toujours là pour lui apporter le salut dont il a besoin, même des décennies après leur rencontre ; le père prolo violent incarné par Karim Leklou, les parents affectueux campés par Alain Chabat et Elodie Bouchez, le grand méchant mafieux joué par Benoît Poelvoorde… Chaque protagoniste est ainsi réduit à un vieil archétype unidimensionnel dénué de toute profondeur. A tel point qu’il faut attendre que Jean-Pascal Zadi et Raphael Quenard collent à leurs personnages leurs tics de jeu habituels pour donner un semblant de singularité à des rôles qui en étaient jusque-là dépourvus.


Mais l’histoire n’est pas en reste. L’action a beau prendre place dans un coin de campagne reculé de France, elle suit scrupuleusement tous les clichés de ce type de récits à l’américaine, mêlant romance et histoire de gangsters. Et même si ce cadre typiquement français confère une certaine originalité au long-métrage, il ne fait office que de toile de fond décorrélée de toute réalité matérielle, à une ou deux références culturelles près.


Aussi, après une première partie insupportable de clichés à la guimauve, durant laquelle je n’ai éprouvé aucune tendresse pour l’histoire d’amour qui m’était raconté, la suite bien que tout aussi programmatique dans son déroulé, se montre au moins un peu plus intéressante dans ce qu’elle montre des conséquences d’un amour de jeunesse perdu, continuant d’impacter les vies respectives de ces deux ex-tourtereaux. Même si j’aurais sans doute été plus ému si la romance de la 1ère partie n’avait pas été une version ratée de Licorice Pizza, c’est tout de même l’élément qui m’a le plus touché, car il se manifeste par de petites idées toute simples mais très significatives. C’est par exemple cette cassette confectionnée par Clotaire que Jackie se réécoute en boucle en se remémorant le bon vieux temps ; Clotaire qui apprend par cœur la définition de 300 mots pour prouver à Jackie qu’il aura acquit du vocabulaire à sa sortie de prison ; ou cette magnifique séquence lors de l’éclipse de 99 au cours duquel les deux protagonistes se remémorent la précédente éclipse à laquelle ils avaient jadis assisté dans les bras l’un de l’autre.


Des bonnes idées comme celles-là, il y en a d’autres dans ces 2h40 de long-métrage : Une jolie discussion entre Zadi et Clotaire dans un parc pour enfants, montrant toute la vacuité de leur ascension sociale, ou le faux couple idéal que formeront un temps Jackie avec son grand con de mari joué par le perfide Vicent Lacoste. Mais malheureusement, celles-ci sont souvent gâchées par la balourdise des dialogues, explicitant maladroitement ce que les personnages sont entrain de vivre, au cas où nous serions trop cons pour le deviner tous seuls.


Aussi, si l’on peut saluer l’originalité du projet et la réussite éclatante de sa mise en scène, difficile d’ignorer les nombreuses lacunes d’un scénario caricatural à la niaiserie exacerbée.

Alfred Tordu

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