L'Amour ouf
6.7
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

L'Amour ouf est le second film de Gilles Lellouche en solo derrière la caméra, presque six ans après Le Grand Bain (2018). Je ne compte pas Narco (2004) qui est une coréalisation avec Tristan Aurouet. Bref, ayant donc beaucoup aimé le ton de son premier film, entre comédie et drame social, je me suis empressé de voir son nouveau film qui s'annonçait comme un mixte entre West Side Story, Heat et Les Affranchis. Et en effet, L'Amour ouf c'est exactement cela, c'est l'histoire de Romeo et Juliette en technicolor, filmé comme si c'était Martin Scorsese ou Michael Mann derrière la caméra. Attention, je ne dis pas que la réalisation de Gilles Lellouche est du même niveau qu'un Martin Scorsese ou un Michael Mann, mais les citations sont nombreuses. Aprés, c'est à vous d'adhérer ou pas à la proposition. D'ailleurs, Gilles Lellouche ne s'en cache pas, L'Amour ouf c'est un pur cri d'amour pour les films de gangsters des années 80/90 et pour West Side Story (le vrai, celui de 1961).

L'Amour ouf, c'est l'histoire d'amour "à la Roméo et Juliette" entre Jackie 15 ans (Mallory Wanecque) et Clotaire 17 ans (Malik Frikah). Jackie est une jeune lycéenne studieuse qui veut se construire un avenir. Elle a perdu sa mère très jeune et vit seule avec un père papa poule (Alain Chabat), mais elle ne manque de rien. A contrario, Clotaire est un jeune zonard qui préfère trainer dans les rues avec son frère kiki et son pote Lionel, que cirer les bancs du lycée. Il vit dans un immeuble miteux, avec une mère aimante (Elodie Bouchez) qui le protège et un père docker (Karim Leklou) qui a la gifle facile. Et comme on le dit généralement, les contraires s'attirent. C'est donc l'amour ouf dés le premier regard entre nos deux tourtereaux, comme en témoigne cette séquence durant laquelle le film se transforme en clip musical (le seul passage en mode comédie musicale du film). Mais voilà, l'amour ne triomphe pas toujours, puisque Clotaire va tomber dans le gangstérisme, pris sous les ailes du parrain local que l'on surnomme La Brosse (Benoît Poelvoorde). C'est alors que les ennuies vont commencer pour Clotaire ...

L'Amour ouf souffre du syndrome du film "deux en un", avec deux films dans le film. Je m'explique, le film est clairement scindé en deux parties, une première partie qui raconte la jeunesse de nos deux héros et une seconde qui se déroule dix ans plus tard, avec Clotaire (François Civil) qui sort de prison et qui essaie de renouer les liens avec Jackie (Adèle Exarchopoulos) ayant entretemps refait sa vie avec un autre homme (Vincent Lacoste). Et si j'ai beaucoup aimé la première première partie avec nos deux jeunes acteurs (Mallory Wanecque et Malik Frikah), j'ai nettement moins adhéré à la seconde avec les deux stars têtes d'affiches (François Civil et Adèle Exarchopoulos). A l'image des jeunes acteurs, la première partie est pleine de fraicheur et d'enthousiasme. La reconstitution des années 80, que ce soit sur le plan visuel ou sonore, est irréprochable. Gilles Lellouche est un enfant des années 80, ça se sent et surtout ça se voit (et ça s'entend aussi).

Sans détester la seconde partie du film, j'ai quand même pas mal tiqué sur certaines facilités scénaristiques et autres clichés. Gilles Lellouche est clairement tombé dans le piège du film qui veut trop en faire et du syndrome "m'as-tu-vu ?". Pour commencer, il utilise des acteurs dans des rôles stéréotypés, c'est à dire des rôles dans lesquels on les as déjà vus milles fois auparavant. Prenez par exemple Jean-Pascal Zadi qui joue le "clown" de la bande, ça ne colle pas du tout avec la version jeune de son personnage qui avait la tête sur les épaules. Autre exemple, on retrouve Benoit Poelvoorde qui en vieillissant nous ressort toujours le même répertoire, allant même jusqu'à pousser la chansonnette. Ils ne sont pas allés jusqu'à lui faire chanter du Claude François, mais j'aurai presque préféré. Tant qu'à faire, autant aller jusqu'au bout des choses et assumer le clin d'œil jusqu'au bout. Et puis, il y a Raphaël Quenard qui nous fait du Raphaël Quenard, Alain Chabat qui nous fait du Alain Chabat, François Civil qui nous fait du François Civil, Adèle Exarchopoulos qui nous fait du Adèle Exarchopoulos ... Je m'arrête là, je crois que vous avez compris où je voulais en venir. Gilles Lelouche a casté des acteurs connus pour incarner ce type de personnages. Il n'y a que Vincent Lacoste qui ne tombe pas dans ce piège et qui est très convainquant dans le rôle du gendre idéal chiant comme la mort.

Gilles Lellouche a voulu pousser un grand cri d'amour pour le cinéma des années 80, à une époque où on louait des VHS dans les vidéos club. Le film multiplie les références aux films américains des années 80, avec beaucoup de bonnes idées de mise en scène, mais le résultat est parfois un peu trop tape-à-l'œil à mon goût (à l'image de l'affiche du film). C'est un peu too much par moments, mais ça respire tout de même la sincérité, avec toute la nostalgie que ça peut évoquer en nous, l'apparition du walkman, les gros postes de radio, les modes vestimentaires (le jogging et les fameuses bananes), les voitures et bien sûr la musique des années 80 avec la montée en puissance du rock, du pop rock et de l'électro. Quant à l'aspect comédie musicale du film, ça n'est pas exploité jusqu'au bout (je ne compte pas Benoit Poelvoorde qui fait du karaoké). Bref, la première partie est vraiment captivante, mais ensuite, ça part un peu dans tout les sens.

Avec L'Amour ouf j'ai envie de faire preuve de bienveillance. Alors certes, c'est un film aux multiples défauts et au dernier quart d'heure dispensable (les trois scènes à l'hôpital, à l'entrepôt et au restaurant sont largement dispensables), mais qui a le mérite d'être généreux. C'est du cinéma ultra référencé, convoquant Michael Mann, Martin Scorsese, Brian De Palma, Francis Ford Coppola et Spike Lee, ce qui peut s'apparenter à une démonstration ostentatoire au détriment de l'émotion pure. La première partie "adolescente" est très réussie avec nos deux jeunes acteurs qui crèvent littéralement l'écran, mais dés que le récit fait un bon de dix ans en avant et introduit nos deux acteurs stars, le film perd beaucoup en fraicheur et les errances du scenario se multiplient. C'est donc un film qui a de réelles qualités, mais qui en même temps est bourré de défauts.

Bref, L'Amour ouf est un film doté d'une audace visuelle indéniable, mais qui a du mal à faire exister son récit sur la durée, écrasant parfois trop ses personnages à l'intérieur de son cadre. J'ai parfois eu l'impression d'assister à un long clip musical, certes assez jouissif, mais qui manque de profondeur. C'est un film qui fonce à mille à l'heure et qui regorge d'idées de mise en scène, mais qui a parfois du mal à respirer et qui manque de liant, surtout dans sa seconde partie. Gilles Lellouche nous raconte sa version de Roméo et Juliette et c'est "je pense" un film qui lui tenait particulièrement à cœur, mais qui malheureusement a eu du mal à faire chavirer le mien. (6.5/10)

Créée

le 1 nov. 2024

Modifiée

le 4 nov. 2024

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lessthantod

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