Folie à deux (voire plus)

L’Amour ouf est un film hors du commun, un grand film gonflé à bloc, un film ouvertement lyrique dont les mots d’amour sont pourtant rares, prononcés avec pudeur à la toute fin. L’amour ouf est un film d’une extrême générosité, un film qui se donne simplement et purement sans jamais tomber dans l’écueil d’en faire trop. L’introduction haletante nous jette dans le bain immédiatement avec un premier déploiement halluciné de violence sous forme d’ombres chinoises dans un parking souterrain. Avant-goût stylisé des règlements de compte toujours plus sanglants qui vont suivre et qui culminent dans cette scène qui semble donner d’emblée une couleur tragique au film. Puis vient le générique rouge pétant sur la scène du drame a priori tout ce qu’il y a de plus banale, une zone industrielle portuaire avec pour emblème une cheminée crachant du feu ressemblant à celles présentes au tout début de Blade Runner. Dans ces deux scènes à des années d’intervalle règne la même atmosphère mystérieuse qui nous invite à chuter d’un seul coup dans ce monde nouveau. Un film généreux donc et débordant de vie, d’une facture impeccable, aux couleurs criardes qui rendent à merveille le monde tel qu’il est vu par des adolescents fou d’amour. Mention spéciale pour la première bagarre qui se transforme en une scène de danse à coups de projecteur qui isolent dans un espace fantasmé ces deux jeunes amoureux sur A Forest, musique idéale pour marquer le vertige amoureux de ces deux jeunes gens qui se perdent non dans le dédale d’une forêt obscure mais dans les salles vides d’une école dont les piliers sont autant d’arbres qui se ressemblent tous. Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, le film regorge de ces scènes à la plastique superbe présentées effrontément. Clotaire et Jackie jeunes incarnent avec un charme déconcertant ces figures idéales d’adolescents en proie à l’amour. Leur rencontre qui ressemble plus à une altercation qu’à un coup de foudre est un moment magique, un pur moment de verve juvénile, gratuit, sans fausse note, où perce déjà à travers les insultes l’aiguillon de la passion amoureuse, de l’amour fou qui lie deux êtres dans une parfaite alchimie. Il n’en faut pas beaucoup plus pour être emportés à leur suite, pour y prendre beaucoup de plaisir, en un mot pour s’émerveiller face à ce monde intérieur qui exulte et suinte partout. Rien n’est mièvre, tout est vrai, tout est intense et déborde d’énergie. Voilà un film qui ose tout sans avoir honte de rien, qui arrive par un tour de force à rendre des événements a priori sans intérêt en des morceaux de bravoure à la beauté déchirante et sincère. Après l’avoir vu, comme c’est souvent le cas après de très bons films, le charme perdure, des images, des impressions ressurgissent, la vie pour un temps semble changée comme si nous étions à notre tour atteints de folie.