Resnais face au "nouveau roman"
"L'année dernière à Marienbad" est une expérience pareille à nulle autre.
Sa forme est éblouissante, génialement déstabilisante avec ses visages immobiles, ses couloirs interminables, ses silhouettes inquiétantes et fantomatiques qui le peuplent en silence, ou en paroles discontinues.
Tout au long de l'intrigue, l'envoûtante voix-off du personnage principal parle à une femme dont il cherche à éveiller les souvenirs. Celle-ci prétend ne rien savoir, prétend ne pas le connaître. Mais peut-être ment-elle...
Cette forme délicieusement hypnotique cache malheureusement un fond un peu terne.
En clair, il s'agit juste de l'histoire d'une fille qui quitte son mec.
On retrouve donc dans ce film les innovations (mais aussi les problèmes) du "nouveau roman" : déstructuration du récit, répétitions, contradictions, variations... mais avec une histoire extrêmement classique, lorsque tous les morceaux du puzzle s'emboîtent. Ce qui peut être décevant.
L'autre problème concerne les sentiments évoqués : tout comme dans le "nouveau roman", l'intellectualisme prononcé du film empêche les sentiments de se déployer. On a parfois l'impression que les acteurs sont comme des pantins dont Resnais et Robbe-Grillet tirent les ficelles. Cela manque cruellement d'émotion.
Bref, un film au montage époustouflant, à l'ambiance unique, mais à l'intrigue finalement simple, et qui laisse une impression glacée.