L'Année du Dragon par Spectateur-Lambda

Michael CIMINO dont l'échec du pourtant très bon La Porte du paradis (1980) n'a jamais été totalement pardonné par un système hollywoodien qui cloue au pilori aussi vite qu'il porte aux nues ses enfants, aura beau avoir réalisé l'un des films les plus cultes de l'histoire du cinéma, succès tant public que critique, Voyage au bout de l Enfer (1978), il restera à jamais le réalisateur maudit.

Pourtant ce polar, à l'écriture soutenue, faite en collaboration avec Oliver STONE, compte parmi les meilleurs du genre encore aujourd'hui. Bénéficiant d'une mise en scène rythmée, qui nous plonge dans les tréfonds criminels du "chinatown" de New-York, où un jeune caïd prend le pouvoir après l'élimination du parrain en place, pour trôner au sommet des différentes triades qui tiennent le quartier et contrôler l'ensemble de leurs activités, voit se dresser face à lui un flic aux méthodes radicales, excessif, violent, raciste, mais motivé par une volonté de nettoyer le quartier de sa pègre et mettre un terme aux accords tacites entre la police et les familles du crime organisé, l'inspecteur Stanley White.

Mickey ROURKE, alors au sommet de sa gloire, crève l'écran, dans ce rôle à la fois physique et psychologique, en polonais intraitable, il devra se battre à la fois contre sa hiérarchie et Joey Taï, le principal artisan de l'économie parallèle qui gangrène le quartier. Se heurtant aux traditions millénaires d'une communauté pour qui la police ne pourrait rien, aux politiques de la ville qui voient d'un mauvais oeil le chaos que Stan White déclenche pour arriver à ses fins, nettoyer "chinatown".

Autant les mafias européennes obéissant à des traditions qui s'ancrent dans des cultures occidentales sont de ce fait plus palpables pour une police culturellement proche, autant les mafias asiatiques, historiquement plus anciennes et parfois établies dans les sociétés orientales comme des acteurs indispensables le sont nettement moins. Cet antagonisme qui se manifeste dans le film par un racisme réciproque, concoure à rendre la croisade de l'inspecteur particulièrement ardue.

Le rythme du film, ne s'essouffle jamais et chaque scène, chaque petite victoire d'un côté ou de l'autre ou chaque défaite dans ce duel qui tient tout à la fois du western moderne, du film noir où on convie la mémoire d'Humphrey BOGART que des films hong-kongais, peignant un tableau pas très glorieux de l'histoire de la communauté chinoise dans la grande histoire de l'Amérique, depuis les ouvriers venus construire le chemin de fer, oubliés des manuels scolaires jusqu'à l'évocation des conflits du 20ème siècle, entraine nos protagonistes dans un féroce combat à l'issue incertaine mais aux conséquences tragiques et fatales.

John LONE en opposant est absolument fabuleux dans son jeu, et ce sont les deux faces d'une même pièce qui s'affrontent sous nos yeux dans un métrage maitrisé et enlevé, qui figure parmi les monuments du cinéma policier dans sa version sans concessions.