Tueurs médiocres
S'il est évident que L'appât n'est sans doute pas le film de Tavernier le plus inspiré, il arrive malgré tout à capter la médiocrité des assassins. C'est une histoire toute bête, ça bande sur...
Par
le 16 juil. 2022
15 j'aime
Le début m'a fait penser à un Kids de Larry Clark à la parisienne. On y montre dans les deux films, frontalement et sans artifices, le quotidien d'un groupe de jeunes de la classe moyenne des années 90, évoluant tant bien que mal dans une grande capitale occidentale. Les "oubliés de l'Histoire" d'un des discours les plus marquants du fameux Tyler Durden.
Et n'ayant ici pas de passion pour donner un sens à leur vie; mais un désir ardent de réussite financière et matérielle pour Eric et Nat. Les kids de Clark avaient le skate pour les réunir. Ils passaient du temps en bande, certes à se défoncer et à faire les 400 coups, mais appartenaient au moins à quelque chose.
Ici, le désœuvrement et la froideur pathétique vont de pair avec un individualisme qui transparaît jusque dans les relations intimes. Le visage de celui-ci est Eric, égotique aux tendances perverses-narcissiques qui traite sa copine Nat et son ami Bruno comme des chiens-chiens et ne pense qu'à son projet capitaliste et chimérique.
De l'autre côté, Bruno traîne avec Eric autant par amitié que par dépendance affective et matérielle envers lui. Quant à Nat elle se rêve en actrice de cinéma et use de ses charmes (vrai qu'elle est jolie et à un corps magnifique, les nombreuses scènes de nu bien que clairement gratuites sont appréciables, surtout la première) pour essayer de convaincre de riches snobs de lui dégoter un tournage et avoue à Bruno qu'elle sortirai avec lui et non pas avec Eric s'il avait sa tête. Bien qu'humain ce comportement rajoute au culte de l'image moteur du consumérisme.
Le capitalisme et la société de consommation sont partout (et rappelle en cela un autre film de Clark - le mal aimé The Smell of Us - qui est aussi une sorte de Kids à la parisienne version années 2010s). Entre le mythe Scarface, les jeux télévisées, le milieu huppé, les différentes pubs...
On voit comment l'argent et son désir font perdre les pédales à des jeunes qui n'ont pas l'étoffe de braqueurs et n'ont pas conscience de ce qu'ils font. Plus rien n'a de valeur tant qu'on a de l'argent.
En cela le film est un pamphlet honnête contre cette société du vide, mais voir un personnage aussi antipathique et faussement charismatique qu'Eric pendant tout le long m'a un peu vanné même si ça a une certaine portée documentaire.
La réalisation est un peu plate et sans surprise, très française dans le genre, de même que la photographie, plutôt réussie dans cette même sobriété réaliste.
Enfin, la bande-son d'époque et de bon aloi (la deuxième scène du braquage est vraiment bien faite, contrairement à celle du premier).
Créée
le 30 avr. 2020
Critique lue 236 fois
3 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur L'Appât
S'il est évident que L'appât n'est sans doute pas le film de Tavernier le plus inspiré, il arrive malgré tout à capter la médiocrité des assassins. C'est une histoire toute bête, ça bande sur...
Par
le 16 juil. 2022
15 j'aime
Vu à l'époque au ciné, à l'âge de 16 ans, je vous laisse imaginer combien L'Appât, et en particulier Marie Gillain, m'avaient marqué... Parce que si vous ne l'avez pas vu la Marie dans ce thriller,...
le 1 févr. 2016
15 j'aime
Le fait divers avait défrayé le chronique : une jolie jeune fille se faisait inviter par des hommes riches et permettait l’accès à deux complices qui venaient les cambrioler, torturant et assassinant...
le 20 avr. 2021
14 j'aime
Du même critique
Peu après avoir été introduit au son du hip-hop, j'ai commencé à vouloir m'intéresser à l'histoire de ce mouvement. La pierre angulaire qu'est Grandmaster Flash semble alors incontournable. J'ai du...
Par
le 2 mars 2014
9 j'aime
Un des derniers poètes du rap et des temps modernes. La capacité de Lonepsi à retranscrire ses pensées et ses sentiments en mots est stupéfiante. Sachant qu'il fait lui-même ses instrus, ce qui...
Par
le 9 juin 2017
7 j'aime
Une oeuvre qui m'a retourné le cerveau, parvenant malgré sa courte durée à instaurer une intense atmosphère qui grimpe, grimpe crescendo dans le sentiment d'oppression et d'irréalité, pour laisser le...
Par
le 11 mai 2017
5 j'aime