Pounding The Rock
La trame de L'Appât est simple : Cinq personnages (et uniquement cinq comédiens sont crédités) et une randonnée commune. De quoi donner à Anthony Mann de nombreuses possibilités pour exploiter cette...
le 4 sept. 2020
23 j'aime
12
Les éloges des critiques ne manquent pas pour cet opus, comme pour les quatre autres tournés par Anthony Mann avec James Stewart dans les années 50.
Que dire de plus que tout le monde ? Scénario, rythme, montage, suspense, couleurs, casting et jeu des acteurs, tout est excellent. Peut-être ajouter qu’il y a une variation subtile du traitement des conflits propre à ce genre de scénario.
Ces films (souvent des westerns) savent montrer un groupe tenu par un objectif commun tandis que des "conflits de loyauté" sont à l’œuvre : comment y sont conciliés les attaches et les désirs malgré les contradictions en chacun, intimes ou liées au collectif.
D'habitude ces relations à la fin partent en vrille et alors ça décante très vite : exit "les vrais méchants" (ils sont tués), tandis que "les vrais gentils" restent avec nous. Ce genre de final est frustrant par sa simplification.
Mais ici la formule est inversée : ce sont des conflits de déloyauté ! D’emblée, c’est la méfiance, l’envie voire la haine qui dominent, malgré la contrainte d'alliances utilitaires dont chacun calcule et anticipe la temporalité limitée.
L’introduction des personnages est conflictuelle ou agressive.
Dès le premier plan, c’est un coup de "naked spur" (éperon nu) sur le flanc de son cheval qui propulse James Stewart, chasseur de primes solitaire vers un chercheur d’or un peu louche (Millard Mitchell). Il le menace, le fouille, puis il s’oblige à une entente avec lui. Nous voilà à 1 + 1.
S’agrège ensuite un officier dévoyé, en fuite pour avoir violé une indienne (Ralph Meeker) : 2 + 1, là encore un assemblage utilitaire, tandis que la somme des méfiances réciproques se cumule dangereusement.
Puis les trois tombent sur le criminel (Robert Ryan), "l’appât » (5000 dollars de prime) lequel va lutter pour sa survie : on est donc à 3 contre 1.
Où est-ce à 3 contre 2 ? Car surgit pour le protéger la jeune innocente (elle est liée au bandit car c’est presque son tonton) : Janet Leigh. Elle va le sauver de l’exécution sommaire, une tentation récurrente chez tous les autres.
Dès le début, le credo de chacun d'eux n’est pas le principe moral habituel : "Restons alliés, car l’intérêt supérieur de tous inhibe en chacun les tentations de l'ego". On voit le contraire sur le visage de chaque homme : « Seul mon intérêt compte et je manipule chaque partenaire jusqu’au moment idoine pour m’en débarrasser ». Même Stewart le héros agit avec de la fourberie bien qu’il soit un peu plus blanc que les autres (il est moins animé par la cupidité que par un ressentiment mystérieux).
La seule qui progresse d'emblée avec générosité est la jeune femme car elle ne connait pas l’avidité matérielle ni l’amertume affective. Et c’est son amour, finalement donné à la fin sans conditions, qui va illuminer et modifier de manière bouleversante le geste du bounty hunter et la chute du film, qui se passe sur un autre "naked spur", un très bel « éperon nu » à flanc de montagne.
Il y a quand même un défaut dans ce film parfait : c’est une faiblesse dans l’excellente et courte séquence avec les indiens.
Autant la première charge de ceux-ci, qui perturbe le parcours et les liens du groupe des blancs, est magistrale car elle révèle et aiguise les rapports inamicaux entre eux cinq, autant on est un peu gêné par la fin de ce bon moment. Car alors, chaque balle tirée tue un indien (one shot, one dead) ce qui est trop irréaliste eu égard au soin apporté à la narration.
Mais qui suis-je pour faire la leçon à Monsieur Anthony Mann sur une séquence d’action, une seule un peu faible parmi les deux douzaines de ce film, toutes captivantes ?
Créée
le 20 mai 2024
Critique lue 25 fois
D'autres avis sur L'Appât
La trame de L'Appât est simple : Cinq personnages (et uniquement cinq comédiens sont crédités) et une randonnée commune. De quoi donner à Anthony Mann de nombreuses possibilités pour exploiter cette...
le 4 sept. 2020
23 j'aime
12
Après Les Affameurs, L’Appât reprend le principe du western de convoi, mais en en resserrant les liens : la communauté se résume à quelques individus, et surtout, rencontrés par hasard lors d’une...
le 18 déc. 2017
21 j'aime
Dans un style âpre, qui n’additionne pas les fioritures, Anthony Mann dresse là un western bien loin des carcans du genre, certes classique dans sa belle mise en forme mais terriblement efficace...
Par
le 17 oct. 2017
12 j'aime
1
Du même critique
Que dire de plus de ce western, un des plus commentés depuis que le critique George Sadoul a dit de lui, peu de temps après sa sortie, qu'il était le meilleur western de tous les temps ? Juste...
le 27 janv. 2025
5 j'aime
C'est un de ces magnifiques opus d’Alfred, qui entretient la curiosité du film à énigme, l'inquiétude du thriller, et l'attente du suspense, de tous les genres mélangés donc. Il est très bien joué...
le 8 déc. 2024
5 j'aime
2
3eme western de serie B du réalisateur Harmon Jones, nettement moins bon que les deux précédents, tournés trois ans auparavant (Le Fouet d'Argent,1953 et La Cité des Tueurs,1953) malgré deux acteurs...
le 2 févr. 2025
4 j'aime
2