Un arc qui fait de la musique, c'est pas poétique.
L'arc est un film qui s’inscrit dans la continuité des réalisations de Kim Ki Duk. Et qui dit film du réalisateur coréen, dit forcément une certaine empreinte, un certain traitement de l'histoire et des évènements qui ne plaira sans doute pas à tout le monde. Ainsi, et je préfère le dire d'emblée, à tous ceux qui avaient déjà du mal avec le cinéma de cet artiste plus ou moins contesté dans son pays (Notamment par les féministes), passez tout de suite votre chemin ! Ce n'est pas le film du renouveau, loin de là. D'ailleurs l'on peut se demander si ce renouveau aura lieu un jour, personnellement j'en doute fortement.
L'arc a donc vu le jour dans nos salles française fin de l'année 2005, année qui aura aussi vu fleurir le très bon Locataires du même réalisateur. Ce dernier avait confirmé le penchant de KKD pour les histoires d'amour fantaisistes et l'Arc ne fait qu’ajouter du poids à cette observation. C'est un réalisateur peut-être trop confiné dans ces obsessions qui nous narre cette fois-ci l'histoire d'une jeune fille qui aura passé la presque intégralité de sa vie dans un bateau. Elle fut recueilli à l’âge de 6 ans par un vieux marin avec qui elle vit depuis maintenant une bonne dizaine d'années. L'Arc c'est donc la chronique, que dis-je, la fable d'un amour purement passionnel mais aussi et surtout totalement déraisonné. Le vieux marin s'occupe d'elle, au jour le jour, lui lavant le corps quotidiennement dans un silence des plus absolus, dans une intimité des plus troublantes. Troublante oui... Mais aussi emprunte de quiétude et de sérénité. Le vieux marin est donc en attente de sa nuit de noces avec la jeune femme, on le verra à multiples reprises compter les jours sur son calendrier mais malheureusement pour lui (Et heureusement pour elle ?), tout ne restera pas en condition.
Dès les premières minutes on reconnait la patte de KKD derrière la caméra, en atteste les plans poseurs non dénués de symboliques plus ou moins justifiables et adaptées. Quoi qu'il en soit l'ambiance se retrouve elle aussi pleine d'onirisme, se profilant donc dans la lancée de Locataires. Peut-être un bon signe étant donné la certaine justesse dans les sentiments de ce dernier. Un bon signe ou peut-être tout simplement le symbole d'un auteur qui se répète, qui se recycle, plus qu'il n'invente vraiment.
Quoi qu'il en soit, KKD préfère une nouvelle fois partir sur un concept plus que sur une histoire, sur des sentiments fixes plutôt que sur de réels personnages. Ainsi le vieux marin n'est qu'une banale retranscription de l'amour sincère et profond avec tout ce qu'il comporte, de la jalousie à la haine mais surtout la déraison. Le jeune homme qui n’apparaîtra que plus tard dans l'aventure se retrouve être la matérialisation du concept opposé, il incarne donc la raison, la jeunesse et par ce biais le renouveau. Moins enfermé sur lui-même, il est moins acerbe et désespéré que le vieux marin. La fille quant à elle, et avec tout le respect que l'on doit à la gente féminine, n'est qu'un simple objet de pulsions et de désirs (L'on comprend donc les réactions de ces mesdames concernant le cinéma de KKD) qui se verra doté d'une personnalité des plus intrigantes, ce qui aura pour effet de mystifier un peu plus l'œuvre du réalisateur coréen. (En avait-il vraiment besoin ?)
L'intérêt du film réside donc en l'interaction entre ses trois 'personnages', et comme dans Locataires (Forcément quand un principe fonctionne bien, l'on repart sur les même bases...) les personnages principaux n'auront qu'un temps de parole très restreint voire même quasi-inexistant pour la fille. Pour cela le réalisateur que l'on aurait aimé plus novateur, se joue notamment de l'espace de mise en scène. Afin de passer d'un point de vue, d'un sentiment à un autre, il change la perspective et l'espace de ses plans. De la grande étendue marine, à la petite cabine étriquée, il réussit son exercice avec succès. Mais bien entendu ça ne suffit pas à en faire un film et c'est bien le gros problème. Ainsi l'on recherche encore et toujours une consistance qui se veut bien maigre, étant donné que par défaut et pour combler le vide, le réalisateur coréen se munit d'idées plus ou moins pertinentes. Les métaphores sont donc toujours de mise comme à l’accoutumée dans le cinéma de KKD. Prenons par exemple la scène avec l'arc tendu par le vieil homme, tantôt instrument de musique factice (Oui oui c'est pour le coté poétique), tantôt métaphore sexuelle sur le final. Final qui d'ailleurs ne manque pas de surprendre, tant Ki Duk nous étonne avec cette idée surréaliste de dématérialisation du corps dans la flèche. Ce qu'il manque avant tout c'est donc un fil conducteur. Le film s'éparpille beaucoup trop sans avoir de réel objectif si ce n'est de suivre les envies souvent farfelues du réalisateur.
Néanmoins il ne faut pas y voir que du négatif dans l'oeuvre de KKD même si vous l'aurez compris les défauts inhérents à l'artiste sont encore une fois très présents que ce soit pour tenter d’enrichir l'oeuvre ou tout simplement par obsession. L'arc bénéficie donc aussi de bons moments qui se situent surtout vers le milieu du long-métrage (Le début et la fin étant noyés dans les lourdeurs et répétitions). L'on retiendra la manière poétique (Non non, on ne parle pas de l'arc qui fait de la musique) de filmer les corps et les sentiments rappelant souvent Locataires, les regards, la haine, la détresse de cette homme désespéré qui voit son joyaux s'échapper de jours en jours , ce rituel quotidien d'une main tombant du lit, pour caresser un bras qui se fait de plus en plus lointain, ces échanges de flèches tantôt menaçants, glaçants ou tout simplement symboliques d'une grande confiance. A cela l'on ajoute le sourire fugace de la jeune actrice Han Yeo-reum que l'on avait déjà aperçu dans Samaria, autre film de KKD.
Les craintes initiales étaient donc en partie fondées, à vouloir reprendre la même formule que lors de son précédent film, le réalisateur coréen ne fait que répéter ce qu'il nous a déjà montré auparavant mais avec encore plus de métaphores douteuses et de lourdeurs. Le charme n'opère pas comme on l'aurait voulu, ce qui ne fait pas de L'arc un mauvais film, il est même plutôt bon mais seulement que par intermittence. De facto, l'on essayera de ne retenir que les bonnes choses, le reste étant à oublier assez rapidement.