Les dernières œuvres du vieil artiste ont une sûreté dans la forme de l'art. Tout est contrôlé dans cet univers qui prend le parti de l'irréel.


Ce qui choque le plus chez Bresson, ce sont les dialogues simplement textuels, inhumains, récités presque sans jeu. Le manque de jeu des acteurs est la suprématie du réalisateur -- ce vieux janséniste qui porte une dernière expression sur le mal dans le monde. L'absence totale de sentiment rend un film froid, apathique, non pas dans la mollesse, mais dans la rétention des sentiments, ils sont bloqués quelque part, peut-être en l'acteur, le réalisateur ou la caméra...


L'apathie suit néanmoins le vol, la parole, les mains, les regards, les actes, le tribunal, les passants, les autorités, jusqu'au meurtre. Tout y passe dans cette vague de froid qui donne de la mauvaiseté au spectateur, c'est-à-dire cet être ne cherchant que l'émotion, les larmes ou le rire, la haine ou l'amour. Rien de tout cela, jusqu'à l'arrestation finale qui rassemble le monde, qui attire le monde et ne mérite même pas un bandeau permettant de bien définir la FIN.


L'abandon des sentiment, c'est bien le dernier acte de ce vieil artiste. Qu'est-ce qu'il reste ? La miséricorde, la misanthropie, un peu d'amour, un Dieu absent pour un monde qui roule sans lui, dans tous ses vices, sous la fenêtre parisienne du cinéaste.

LapinNoir
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Cinématographie mielleuse : 2020

Créée

le 12 déc. 2020

Critique lue 374 fois

3 j'aime

LapinNoir

Écrit par

Critique lue 374 fois

3

D'autres avis sur L'Argent

L'Argent
Torpenn
3

Comment j'aurais mieux fait de me masturber (ma vile anale éthique)

Ce qu'il y a de bien avec Bresson, ce qu'on ne peut guère lui reprocher, c'est une forme certaine de cohérence. Il déteste et méprise ce qu'il appelle le cinéma, et, avouons-le, cela se voit dans la...

le 21 mars 2012

51 j'aime

25

L'Argent
magyalmar
1

Compte dormant

Sans doute fatigué de pondre des drames chiants pour neurasthéniques masochistes, Robert Bresson s'est surpassé afin de nous offrir son ultime chef d'oeuvre, une parabole de science-fiction sous...

le 26 mars 2018

31 j'aime

6

L'Argent
EricDebarnot
7

La trajectoire de la hache

Blancheur du ton, dépouillement de tous les éléments qui constituent ce que la majorité appellent le cinéma (jeu réaliste des acteurs - une chose que Robert Bresson détestait par dessus-tout, on le...

le 19 avr. 2018

11 j'aime

Du même critique

L'Homme foudroyé
LapinNoir
9

L'Amant secret des choses...

Si des mémoires ont pour seul but de présenter l'auteur par sa propre plume, L'Homme foudroyé est le recueil de petites mémoires, l'autobiographie de petits papiers, la meilleure jamais lue. Blaise...

le 20 janv. 2020

5 j'aime

3

Just Cause 3
LapinNoir
5

Rico et l'art de la funotonie

Just Cause 3, c'est le jeu qui, de prime abord, est complètement déjanté, fun, drôle et décontracté. Et, ce n'est pas faux, le jeu a ces qualités, dès le départ, on est pris dans l'action et...

le 27 sept. 2017

5 j'aime

4