Teen movie de 1999, Election présente l'originalité de donner la vedette à deux figures en général secondaires de ce genre cinématographie, en l'occurence le prof (joué par un Matthew Broderick étranger au phénomène de vieillissement) et l'overachiever, cette lycéenne hyper-assidue, hyper-ambitieuse, un peu ridicule, qui sert en général de comic-relief premier degré face aux héros qui savent qu'il y a une vie après le lycée (exemple: Patty Simcox dans Grease). Il s'ensuit qu'on a l'impression de voir une autre facette de la vie lycéenne, ou plutôt de al percevoir par le petit bout de la lorgnette, le cynisme en plus.
Car le cynisme est omniprésent, ici, Alexander Payne oblige. Dans la petite bourgade d'Omaha, Nebraska, si chère aux réal estampillés "Sundance", Tracy Flick (Reese Witherspoon), lycéenne particulièrement ambitieuse (arriviste, nous dit le titre français), présente sa candidature à la présidence du conseil des élèves de son lycée. Un de ses profs (Matthew Broderick, tel un Ferris Bueller qui n'aurait jamais quitté le lycée) voit cette candidature d'un mauvais œil et décide de lui mettre des batons dans les roues en la flanquant d'un concurrent déloyal en la personne du jock populaire superstar du lycée (Chris Klein, un peu plus benêt à chaque film). A partir cette élection de délégué de classe se met en place une vision particulièrement désabusée des rapports sociaux et de l'espèce humaine, où les hommes sont lâches et faibles, les femmes fourbes et arrivistes, chienne de société, putain. Forcément, il est difficile de trouver le film sympathique, réjouissant, ou d'en comprendre le but et carrément impossible de s'identifier au moindre personnage, sauf peut-être la frangine lesbienne, seul personnage vraiment sympathique du film (une démarche particulièrement couillue à une époque où représenter l'homosexualité était encore très avant-gardiste).
Pourtant, dans la filmographie d'Alexander Payne, c'est sans doute le film pour lequel le cynisme sert le discours le plus intéressant. En effet, difficile d'éprouver la moindre sympathie pour ce personnage grotesque de Tracy Flick, tant on ne sait pas ce qui la pousse à cette ambition (quelques clés explicatives sont disséminées ça et là, mais si peu). Difficile de savoir quel camp choisir, tant l'accumulation de voix off donne une impression de bordel pas du tout joyeux. Pourtant, tous ces effets à première vue maladroits servent un discours assez fort sur la misogynie.
En effet, ce stéréotype de l'overachiever prête à écraser son prochain pour arriver à ses fins, cachant une personnalité grotesque et acariâtre est typiquement féminin. Les voix off nous donnent l'impression d'une némésis diabolique et manipulatrice, image qui marque encore la culture populaire américaine, tout est travaillé pour rendre ce personnage odieux, sans donner d'explication. Pourtant, si on y réfléchit, c'est bien l'histoire d'un éducateur qui cherche à nuire à une adolescente, et parce que cette adolescente rêve de politique, et non d'un mec ou de fringues, elle apparaît sous des traits bouffons ; face à elle et à son travail acharné, un jock idiot a plus de chances de gagner une élection qui ne l'intéresse pas, et on nous présente cette situation comme normale. Et parce que cette adolescente tient bon dans cet affrontement, elle passe pour le bourreau et non pour la victime qu'elle pourrait être. La fin du film est à ce titre assez révélatrice des intentions de Payne, de nous confronter à une misogynie constante, frappant les femmes ambitieuses du sceau de l'infamie. Funfact intéressant, le personnage de Tracy Flick a souvent été comparé à Hillary Clinton, puis à Sarah Palin (Tina Fey s'est inspirée du jeu de Reese Witherspoon pour son interprétation de Palin au SNL)
Ainsi, le cynisme latent de ce film permet de mettre en évidence les travers misogynes d'une société qui perçoit l'ambition d'une femme comme une contradiction dans les termes. Il s'ensuit, d'après ce film, que si vous voulez être épanoui dans la vie, mieux vaut chercher à devenir une adolescente lesbienne de 15 ans. Très bien, faisons donc cela.