On peut ne voir "l'as des as" que comme une grosse farce où un français (Jean-Paul Belmondo), entraineur de l'équipe de boxe française à l'occasion des JO de Berlin en 1936, dame le pion à la Gestapo, fait tourner en bourrique Hitler et sauve toute une famille juive et allemande en la conduisant en Autriche dans la voiture d'un général de la Luftwaffe puis carrément dans la voiture perso d'Hitler, après avoir fait, quand même, un crochet par Berchtesgaden.
Ah c'est vraiment dommage qu'on n'ait pas eu, quatre ans plus tard, deux ou trois héros (pas plus !) de cette envergure pour bouter les nazis hors de nos frontières. On se serait épargné beaucoup de sang, de sueur et des larmes. Enfin, on ne refait pas l'Histoire.
Il se trouve que j'ai toujours un peu de mal à imaginer ces personnages, qui ont défrayé la chronique de l'abjection pendant quelques années, sous un aspect ridicule et rigolo.
Mais on peut aussi voir "l'as des as" autrement, rendant le film (légèrement) plus profond.
D'abord, au départ du film, il y a la bataille aérienne entre Jo Cavalier (Belmondo) et G. von Beckman. C'est un vrai duel à la loyale conduisant à un respect mutuel des deux hommes bien qu'ils soient ennemis. Vingt après, ce sont des amis. C'est une des très belles scènes signifiantes du film.
Bon, je n'insisterai pas sur le fait qu'en 1936, l'officier allemand soit devenu un général de la Luftwaffe anti-nazi. Ce qui est, à mon humble avis, hautement contradictoire avec la fonction et improbable (retour à la farce).
Ensuite il convient d'apprécier le positionnement du personnage joué par Jean-Paul Belmondo vis-à-vis de l'antisémitisme et de la stigmatisation des juifs qui avaient leur place dans la société allemande (le père avait fait la guerre de 14-18 puisqu'il était le supérieur direct et mécontent du caporal Hitler…). Il en est de même de l'intolérance pour ce qui est des idées et des livres. Gérard Oury rejoint le message explicite de tolérance délivré quelques années avant dans "Rabbi Jacob".
Une autre belle scène très symptomatique du message de tolérance, c'est la scène où les deux orchestres (improvisé) juif et autrichien (ou bavarois, je ne sais plus) jouent en même temps avec des musiques parfaitement compatibles...
Si on arrive à passer le cap de la farce et du film complètement déjanté et improbable, on note des messages essentiels qui peuvent perfuser dans la tête des spectateurs. Pourquoi pas !