Jean, un marinier travaille sur sa péniche en compagnie du Père Jules, son bras droit. Jean décide de se marier avec Juliette. Celle-ci s'enthousiasme à l'idée de voyager et connaître la ville au cours des escales. Malheureusement, elle s'aperçoit au bout de quelques temps que les évènements prennent une autre tournure. Jean est tout à son travail, à ses délais de livraisons et finit par délaisser son épouse ainsi réduite aux tâches ménagères et à une vie bien monotone. C'est alors qu'elle se réfugie de plus en plus souvent chez le Père Jules, vieux matelot quelque peu original, à l'esprit libertaire, logeant au fond de la péniche entouré d'un tas d'objets hétéroclites. Celui-ci parle à Juliette de voyages et d'aventures merveilleuses qu'il s'empresse d'enjoliver, de même qu'il s'emploie à la réconforter. Un beau jour, au cours de l'une des rares escales, Jean emmène sa femme au bal. Lors de celui-ci, elle tombe sous le charme d'un prestidigitateur. Mais Jean se montre jaloux et décide de quitter les lieux. De retour à la péniche, une scène éclate entre les époux et Juliette fait une fugue. Le Père Jules part à sa recherche.
Le cinéaste Jean Vigo meurt top tôt à 29 ans, juste quelques temps après la sortie de ce film qui est sa seconde et dernière oeuvre. Il avait décidé de produire un film social en abordant les problèmes de l'exploitation des travailleurs et de la productivité. Le problème de la condition des femmes et de leur émancipation n'avait pas échappé non plus au réalisateur. A sa sortie,le film fut un échec et les idées abordées choquèrent les producteurs. De ce fait, la GFFA décida d'amputer le film de nombreuses scènes. Elle changea également la musique en la remplaçant par une chanson à la mode à cette époque : " Le chaland qui passe ". C'est par ce titre que le film fut rebaptisé. Ce n'est que bien plus tard que des morceaux de cette oeuvre furent retrouvés, ce qui permit de reconstituer le chef-d'oeuvre d'origine.
Après une telle épopée, quelle joie de revoir cet inoubliable trio d'interprètes avec une mention spéciale à l'exceptionnel Michel Simon, cet éternel bourru au regard et au coeur tendres. Je ne peux passer bien sûr sous silence le couple tumultueux formé par Dita Parlo, absolument magnifique, et Jean Dasté non moins excellent. Les images nous faisant remonter le cours de la Seine enrobé de brouillard sur lequel voguent les péniches, donnent une vision absolument surréaliste du fleuve. Cette brume et cette mélancolie ambiante ajoutent un argument supplémentaire au climat de cette aventure conjugale vécue au coeur du dur et contraignant métier de marinier. C'est vraiment l'une des oeuvres clef du cinéma français, une oeuvre magnifique et émouvante.
Si à l'affiche d'une salle d'art et d'essais vous voyez ce film de Jean Vigo, n'hésitez pas, allez le revoir ou le découvrir. La satisfaction est que cette oeuvre aux multiples péripéties est sortie en DVD. Elle a été couplée avec le premier film du jeune réalisateur : " Zéro de conduite ". Précipitez-vous!