Au début, des scènes se mettent en place et se succèdent, anarchiquement, abruptement, on ne comprend pas si les mariés sont en voyage de noces...et puis non la mariée est la "patronne", femme du capitaine. La suite s'enchaîne : scènettes presque sans lien à part la vie dans l'Atalante. Nous continuons sur des moments intimes et tendres, avec l'aspiration du dehors, d'une vie fantasmée grâce à la radio, puis un jour dans ce film elle quitte le navire avide du monde, le chaos s'installe, l'univers du navire sombre et le capitaine de la péniche réalise son bonheur perdu.
Alors comme tant d'autres pris par le charme depuis le début, un charme incongru, étrange, inhabituel, ne sachant alors que penser de cet ovni cinématographique, alors je réalisais que j'étais face à un grand film, unique, magique...et il ne me restait quelques dizaines de minutes pour le savourer.
Des plans étonnants de modernité, découpages osés, rythme anarchique volontaire, une histoire archi-classique traitée d'une façon unique, un voyage presque en huit-clos, autour d'un lieu, unité de vie de ses personnages déracinés, avec un Michel Simon, vieux loup anarchiste qui fait fumer son nombril au milieu des tatouages, avec ses chats sur les épaules, avant-Kusturica avant l'heure, et "avant" pas mal de choses d'ailleurs, à la croisée d'oeuvres surréalisme et d'un réalisme poétique... et pour finir un réalisateur à 29 ans, qui n'a jamais pu le voir, mort de la tuberculose et épuisé par le tournage... L'Atalante est, je trouve, comme d'autres peuvent le penser, un des plus beaux et plus poétiques films de l'histoire du cinéma.