« Une année, un film » : L’Atalante, réalisé par Jean Vigo et sorti le 24 avril 1934
Jean Vigo n’a que 29 ans lorsqu’il réalise L’Atalante, et pourtant, cela sera son dernier film, son chemin sur terre s’arrêtant brusquement peu de temps après la sortie du film. Réputé comme étant un classique du cinéma français, L’Atalante a gêné à sa sortie, celui-ci étant jugé trop choquant pour l’époque à cause des thématiques abordées, et des choix de réalisation adoptés.
L’Atalante, c’est avant tout le nom d’un bateau. Un bateau commandé par Jean, un marin qui vient de se marier avec Juliette, qu’il veut emmener avec lui. Lui doit travailler, elle rêve de voyages sur la péniche, synonyme d’évasion, loin de la campagne où elle a toujours vécu. Le film débute avec le mariage entre les deux protagonistes, à travers une longue scène de parade qui mène les mariés de l’église du village, au bateau. Tout n’est que fête, joie et bonne humeur, avant que le temps et les circonstances ne viennent troubler la sérénité du jeune couple.
L’Atalante raconte, sur un court laps de temps, la relation amoureuse entre Jean et Juliette, et les différents étapes qu’elle franchit à travers les épreuves auxquelles elle est soumise. Car si l’euphorie des premiers temps est bien présente au début, celle-ci ne tarde pas à s’estomper, face à la dévotion de Jean pour son travail, et l’ennui auquel est confrontée Juliette, qui rêve davantage de visiter Paris, que de rester seule dans la cabine d’un bateau. Jean est de plus en plus froid, et Juliette se sent délaissée. Heureusement, le Père Jules, vieux briscard, anime l’ambiance morose qui envahit le bateau, et tente tant bien que mal de réconforter Juliette. Celui-ci n’a de cesse de faire le pitre malgré lui, et de raconter ses souvenirs, exposant les nombreux objets qu’il a accumulés au cours de ses missions aux quatre coins du monde.
Le film est empli de mélancolie, nous faisant vivre une romance prédatrice qui, bien que belle et touchante, nous fait surtout plonger dans la détresse, avant de remonter à la surface. Porté par un trio de choix, et notamment un Michel Simon très touchant, L’Atalante est un drame sentimental sur la quête de liberté et le désir. Euphorie, solitude, jalousie, ennui, nos protagonistes explorent la palette des sentiments dans cette vaste toile à l’apparence de voyage en péniche le long de la Seine.
Devenu un véritable classique du cinéma français, L'Atalante est un film empreint de subtilité mais paradoxalement guidé par les pulsions contenues par les protagonistes. Il reste un film difficile à voir pour les spectateurs non avertis, son rythme étant relativement lent, et l'ambiance générée par le film est très pesante. En réalité, c'est un film surtout marqué par l'avant-gardisme de Jean Vigo, jeune cinéaste en avance sur son temps, qui a beaucoup dérangé les intellectuels de l'époque. Après son Zéro de conduite, longtemps censuré, L'Atalante connut le même sort, s'éloignant des codes du cinéma français de l'époque, qui était alors dans une mauvaise passe.
Se raccrochant à la réalité, il exprime les sentiments dans ce qu'ils ont de plus réel et de plus sincère, évitant toute forme d'embellissement ou de dramaturgie superflues. Le film brille par de sublimes coups d'éclat, à l'image de la scène sous-marine, symbole de la renaissance de l'amour, suivie par une très évocatrice mais non moins superbe scène d'amour à distance, où les deux personnages semblent faire l'amour et sont réunis par la magie du cinéma. Hélas, Jean Vigo ne verra pas sortir son film, qui sera haché, censuré, mais l'histoire fera bien les choses, permettant au film d'être à nouveau vu tel qu'il était, et rendant justice à son réalisateur.
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