Principalement connu pour sa production horrifique, l’italien Lucio Fulci doit sa réputation à quelques œuvres dont L’Au-delà est la plus connue.
Il n’y a pourtant rien de bien original dans la proposition de son scénario, qui présente Liza Merril, une jeune femme ayant hérité d’un vieil hôtel un peu isolé en Louisiane. Des morts vont s’y succéder, tandis que s’annonce la raison qui pourrait en être la cause, l’habitation serait construite sur une des 7 portes de l’enfer.
Énoncè comme tel, rien de bien surprenant dans cet immobilier qui serait hanté ou envouté. Mais dès le prologue, situé 60 ans avant les événements, le spectateur pressent que le film a du potentiel. Des habitants des environs prennent d’assaut l’hôtel, pour lyncher un peintre qu’ils accusent de sorcellerie. Peu d’explications seront données, peu de dialogues viennent éclaircir la situation. L’ensemble est avant tout visuel et viscéral. Lucio Fulci utilise un filtre sépia pour ce passage, mais on y trouve déjà les grandes lignes de sa façon de mettre en scène le film.
L’éclairage est étudié, découpant les plans avec des ombres franches et opaques. Les cadrages sont serrés, au plus près des sévices et des visages déformés par les émotions. Les déplacements de la caméra sont doux, les points de vue plus éloignés semblent épier les personnages, donnant l’illusion au spectateur d’être un des fantômes ou des créatures impliquées dans les sombres agissements qui arrivent dans cet hôtel et dans les alentours de la ville.
A l’image du meurtre de cet artiste au début du siècle, les mises à mort sont très visuelles, avec une frontalité sciemment dérangeante. Lucio Fulci ne cache rien, prend le temps de détailler les agonies de ses personnages. Les chairs sont malmenées, déchirées, parfois même dissoutes. Les énucléations sont nombreuses, mais servent un des propos du film, autour de la perception.
Car le film a beau être assez violent et brutal, il développe pourtant une atmosphère d’étrangeté assez bienvenue. Il conserve son mystère, à l’image de son personnage aveugle qui tente de prévenir Liza de renoncer à ses projets pour l’hôtel. Il y a ainsi une certaine poésie macabre qui se dégage sans que les exécutions grand-guignolesques jurent. L’angoisse est bien présente, non seulement à cause de la menace invisible mais aussi à cause des conséquences outrées de celle-ci. La fin du film ne ressemble d’ailleurs à aucune autre.
La musique de Fabio Frizzi accompagne à merveille cet Au-delà, son thème principal est assez envoûtant. Mais il y a aussi un excellent travail sur les bruitages et les bruits d’ambiance, chaque son s’entend, parfaitement découpé. Cela participe à l’atmosphère, mais ce n’est pas anodin pour certains détails, comme le prouve la séquence avec la jeune femme aveugle qui s’enfuit.
Son statut de film d’exploitation le rattrape parfois. Malgré des effets spéciaux très travaillés on décèle quelques imperfections ou d’autres choix curieux, comme ces araignées anthropophages geignardes. Certains acteurs s’en sortent bien, transportés par la folie macabre du lieu et de ses conséquences, d’autres sont plus à la peine. Et quel dommage que ce prétexte d’hôtel vieux et hanté ne soit pas le cadre de décors évocateurs, l’ensemble étant assez terne.
Mais avec un tel sens de la réalisation, l’Au-delà est assurément un film d’horreur marquant, qui bouscule mais en même temps nous transporte dans son univers. Surfant faussement sur la mode des zombies, ce qu’en propose Lucio Fulci va bien au-delà de l’imitation, offrant au film sa propre personnalité, son identité.