Monsieur Milius, c'est un massacre.
Ce film est un massacre dans tous les sens du terme. Le point de départ en est la troisième guerre mondiale, que l'on imaginait dans les années Reagan comme une invasion des Etats-Unis par l'URSS, appuyée par les Cubains et divers groupes de partisans sud-américains. Le film suit un petit groupe de teenagers qui vont s'improviser partisans, dans le parc national du Colorado. Pressé par la faim, un petit groupe va être obligé de migrer vers les Rocheuses, en zone libre.
Le film titillera l'amateur de films de guerre de partisans, du type "L'armée des ombres". Sauf qu'ici l'Amérique cède au fantasme de l'invasion pour mieux pouvoir se regarder dans la glace, c'est à la fois sado-maso, narcissique, ridicule et malsain. Les images de soldats de l'armée rouge se faisant photographier devant des panneaux américains, de braves patriotes fusillés devant une fosse commune sur l'air de l'hymne national russe, de pauvres citoyens du Colorado apeurés ou parqués dans des camps de rééducation, c'est déjà assez fort de café. Que l'armée de l'air ait pu être sabotée par des Cubains qui se sont fait embaucher après s'être faits passer pour de pauvres wet-backs mexicains, c'est pour le moins tendancieux.
Mais le plus beau, c'est probablement le brushing des héros, qui résiste même à l'hivernage dans un parc national, coupé de tout. Le fait que tous les héros soient blancs, beaux, et plutôt du sud n'arrange pas les choses. Le film, sans doute grâce à Milius, ne sombre pas dans la caricature complète : le drapeau américain, Dieu merci, n'est pas omniprésent, mais il y a quand même des références appuyées à Teddy Roosevelt et un culte des armes tout à fait assumé. Surtout, vous aurez droit à tous les clichés du film de guerre : traître à fusiller, privations, sacrifice pour sauver ceux qui peuvent l'être, amitié virile, blagues de vestiaire, blessé qu'on repart chercher sous le feu ennemi, et autres passages obligés.
Seule tentative d'amener un peu de nuance : le général cubain semble avoir mauvaise conscience de violer l'intégrité territoriale des Etats-Unis, parce que lui-même a mené une guerre de partisan. Et un des Russes tués a l'air d'un gars normal, assez sympathique. C'est quand même un peu maigre. Restent les beaux, très beaux extérieurs de Milius, mais bon, pour ça, autant revoir "Conan".