Ce film est inspiré d'un fait divers authentique survenu sur les plateaux d'Ardèche dans les années 1830, c'est la fameuse auberge de Peyrebeille, située sur la commune de Lanarce en Ardèche, peu avant la frontière départementale avec la Haute Loire. Cette auberge existe encore réellement, je l'ai visitée, j'ignore si c'est la vraie mais c'est une attraction touristique plutôt morbide qui se révèle édifiante, avec une restitution du mobilier et des chambres.
Les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost s'empare de cette célébrité dans les annales criminelles en faisant évoluer des personnages totalement amoraux qui tuent des voyageurs pour les détrousser et assouvir ainsi leur cupidité. C'est donc dans cette auberge que les époux Martin et leur domestique ont pendant un quart de siècle massacré une centaine de voyageurs ; l'affaire a éclaté en 1831, et les assassins furent finalement condamnés à mort et exécutés dans la cour de leur auberge.
Le réalisateur Autant-Lara passe de la farce au drame avec une surprenante aisance, en insistant surtout sur le ton de la comédie d'humour noir qui est en même temps une joyeuse fable anticléricale dont le sujet irrévérencieux a indisposé les autorités catholiques de l'époque, car le film se moque de la confession et des sacrements. On peut aussi le rapprocher d'une sorte de conte de Noël macabre. Tout ceci donne un aspect un peu théâtral, accentué par le décor hivernal sur fond de neige entièrement reconstitué en studio (seuls quelques plans isolés furent tournés dans les Alpes), mais ce n'est pas gênant, et tout repose aussi sur le jeu des acteurs : épaulés par des seconds rôles pittoresques, Françoise Rosay est formidable, Carette appuie les traits de son personnage, et Fernandel apporte par son jeu un petit côté pagnolesque bienvenu. Un film diablement réjouissant, dont le remake de 2007 est très loin d'atteindre son niveau qualitatif.