Difficile de prendre l'histoire de L'autre Laurens au sérieux, tant son scénario et sa mise en scène (du Belge Claude Schmitz, auteur de l'impayable Lucie perd son cheval) jouent constamment la carte du décalage, en utilisant avec une certaine jubilation les codes traditionnels du film noir. Conséquence : quand le long-métrage redevient sérieux, notamment dans son dénouement, cela ne fonctionne plus du tout. Pour le reste, le film remplit parfaitement son office de distraction, lorgnant quelque peu le cinéma de Kaurismäki et atterrissant plutôt dans la sphère de Benchetrit, ce qui est moins glorieux mais pas infamant non plus. Outre ses qualités visuelles, L'autre Laurens bénéficie d'un atout majeur : la présence de l'excellent d'Olivier Rabourdin, impeccable en privé mal rasé aux poches sous les yeux, spécialiste désabusé des adultères. A ses côtés, l'indispensable blonde, loin d'être idiote, est incarnée par la débutante Louise Leroy qui impose un tempérament prometteur pour l'avenir. S'y ajoutent des seconds rôles pittoresques, parmi lesquels brille Marc Barbé. Si le scénario de L'autre Laurens, avec ses jumeaux sans affinités, n'a qu'une importance toute relative, sa réussite esthétique, son rythme nonchalant mais pas trop et son amour de l'incongru en font un objet d'un intérêt certain. Il aurait juste fallu s'en tenir à 90 minutes plutôt qu'à près de 120, pour en faire une machine mille fois plus efficace.