Ce que je trouve très particulier dans ce film, c'est qu'il est à la fois bouillonnant de charisme, et maladroit dans sa démarche. En cela, c'est le Lelouch le plus "Mokyen" de tous ses films, celui qui est le moins ancré dans son style (excepté une phrase niaise en ouverture).
Hyper charismatique, parce que... Cette bande. Même dans des détails : lorsque Brel recrache son bâton de fumée en pleine torture, en regardant la caméra et proclamant malicieusement comme un enfant "J'ai gagné", je jouit à chaque fois. Le regard, la désinvolture insolente du personnage, le redressement... Brel est complètement dans son élément ici, dans ce film "de mecs". Lino Ventura aussi fait des choses qu'il n'aurait sans doute pas fait dans un autre (comme la fameuse danse sur la plage, pas si fou-fou que ça d'ailleurs au passage), et s'impose de lui-même comme LE leader. Face à ces deux montres intemporels, un seul parvient à tenir tête : Aldo Macionne, le bavard du groupe. Les deux autres sont plus effacés, et pourtant ils apportent leur sel à cette bande atypique. On ignore ce qui les relient vraiment, à part leur sens de liberté qui fait sincèrement rêver. Ces branquignols, des adolescents voyous qui n'ont pas bougés mais se sont laissés emporter par les événements parce que "on verra bien", sont attachants à un point que c'est eux qui parviennent à faire oublier les défauts du film.
Maladroit dans sa démarche, parce que la mise en scène subit des tares visibles : raccords pas raccords, longueurs parfaitement évitables mais pas évitées (les séquences en langue étrangère, censées faire rire mais qui sont juste interminables), ou accessoires qui font un peu ghetto. Il y a tout de même de très bonnes idées : le coup du 13millième coucher de soleil du cinéma, qui devient le code de déposition du film, m'avait marqué dès la première projection. Et c'est en cela que "L'aventure c'est l'aventure" me rappelle l'indépendance d'esprit de Mocky : les défauts, finalement, sont raccords avec l'esprit anarchisant et bon enfant qui règne sur tout le long-métrage, et c'est ce qui fait qu'il est toujours autant vu. C'est presque un film de potes de luxe. Il a délicieusement vieilli, il est délicieusement concon, et il est irrésistiblement attachant, malgré ses problèmes pouvant prendre le dessus.
Mais voir Brel crier "Vive la Suisse libre !", ça me suffit pour me donner le sourire.