Terriblement... Différent.
J'ai regardé ce film avec une certaine appréhension quand j'ai vu sa date de sortie. Début des 90's, c'est souvent synonyme d'un doublage pourri. J'ai donc préféré la version originale. Et... Le résultat est... Terriblement déroutant.
Pour résumer, disons que le film accuse son âge et a du mal à se positionner comme un film de grande qualité. On trouve ici un condensé de ce qui fait le charme (ou pas) des films grand public de la fin des années quatre-vingt jusqu'au milieu des années quatre-vingt dix, ainsi qu'une série de petites choses qui relèvent le niveau.
Du côté des choses agaçantes, on peut citer en vrac : Des dialogues basiques et un peu crus, un jeu d'acteur un peu limite parfois et des scènes d'intimité franchement kitsch.
Plus en détail, j'ai trouvé que "The Jacob's Ladder" souffre d'un vrai problème de rythme et d'une écriture un peu simpliste, notamment des dialogues et dans la mise en scène de certaines situations, qui nuisent au résultat final. La construction du film, même si elle vise à dérouter le spectateur, est parfois trop maladroite. J'incrimine surtout quelques ellipses bancales et des personnages trop abstraits pour être crédibles sur ce coup là.
La partie complot est également sous-dimensionnée, avec la débandade un peu facile des vétérans par exemple. Ces mêmes vétérans qui auraient pu prendre plus d'espace dans la trame et l'enrichir considérablement, avec des rôles finalement bien trop en retrait pour Ving Rhames ou Eriq La Salle; entre autres. Le gouvernement Américain apparaît ici comme on l'attend dans les gros stéréotypes baveux de l'époque, plein d'un diabolisme tout Orwellien mais sans en avoir l'envergure.
Pour résumer, çà manque cruellement de finition et de finesse.
Pourtant, n'allez pas croire que j'ai détesté le film, car ce n'est pas le cas. Il y a des lourdeurs et des maladresses, mais on aperçoit aussi de très bonnes choses.
Le plus impressionnant dans le travail d'Adrian Lyne sur "L'échelle de Jacob" est sans aucun doute l'ambiance, de très bonne qualité.
Tout au long du film, on a le droit à de nombreuses trouvailles, y compris avec les codes même du cinéma des 90's. Ces fameux dialogues un peu kitsch, par leur sobriété, vont contribuer à créer un malaise et à l'entretenir, car on n'en sait que le minimum sur chacun. Les scènes d'extérieur jouent aussi leur rôle de déstabilisation, avec leurs rues vides, leurs bouches d'égouts qui fument et leurs ambiances hivernales. L'accent est volontairement mis sur l'absence de repères et la normalisation:
Tout est volontairement flou, opaque, impersonnel, ce qui donne un côté un peu chronique à cette histoire, car hormis la précision sur la Guerre du Vietnam, on ne sait pas grand chose. (Alors, oui, le style vestimentaire donne une idée précise, mais soyons fair-play...)
On est donc lâché dans une histoire qui pourrait se dérouler n'importe quand et n'importe où. J'ai adoré cette sensation de flottement et surtout cette ambiance suintante, car elle m'a collé aux tripes.
Je dois donc admettre que si le cadre vieilli mal, l'histoire ne prend pas une ride.
Mais regardons la photographie de plus près, pour ne pas s'arrêter sur un premier a priori. On sent ici aussi quelques trouvailles et une véritable envie de surprendre le spectateur. La courte focale est utilisée de manière ingénieuse sur des détails et sur les cadrages des personnages, ce qui contribue à noyer Jake dans cet univers flippant.
Et la pièce angulaire du film, la partie délirium, force est de constater que c'est très bien filmé. Entre flashbacks déroutants et hallucinations flippantes, on devine que ce film s'est inscrit comme une référence avec de nombreux effets de styles originaux.
Les effets spéciaux, enfin, bien que sobres et relativement discrets, sont très bien mis en place et corroborés par une bande son efficace. Quelques jump scares bien sentis m'ont arraché une poignée d'accélérations cardiaques très sympathiques, ce qui fait toujours plaisir.
Et puis je serais mesquin en ne vous avouant pas que la fin m'a arraché un sifflement admiratif. Même si vous avez peut être déjà vu ça, il faut le remettre dans le contexte. Et dans le contexte, je trouve ça couillu.
Au final, on se retrouve donc avec un film qui vous propose une belle boucle narrative, bien filmée et dotée d'une ambiance très réussie. De nombreux effets visuels se sont à mon avis imposés comme des références du genre au moment de sa sortie et ne manqueront pas de vous dégourdir la rétine. Et si le film vieilli mal et souffre d'une écriture un peu bâclée, qui fait quand même franchement tiquer, il vous embarque au moins dans un délire qui prendra tout son sens dans les dernières secondes du film. À voir, donc.