La plupart du temps, on associe l’image des péplums à la Rome antique, ou éventuellement à la Grèce. Néanmoins, il n’est pas exclu d’y traiter de l’Egypte, c’est ce à quoi s’emploie Michael Curtiz. Cela dit, l’Egyptien ne suit pas, à la base, la destinée d’un grand seigneur, d’une « célébrité » de l’histoire comme dans Cléopâtre ou La Chute de l’Empire Romain, mais celle d’un homme du peuple. L’Egyptien constitue donc une plongée dans le quotidien de l’Egypte antique, celle du temps des Pharaons où se mêlaient grandeurs et horreurs.
Il faut dire que j’étais un peu inquiet par le traitement qu’Hollywood réservait à l’Egypte. Néanmoins, les magiciens de l’époque ne manquaient pas, et Michael Curtiz en faisait clairement parti, comme son producteur Zanuck, probablement une des personnalités les plus fascinantes de cette période. A une époque où les fresques historiques pleuvent, celle de Michael Curtiz se profile élégamment. Si le film ne délivre pas forcément la vision la plus réaliste de l’Egypte possible, il en sublime toutes les notions de grandeur et de magie. C’est un véritable voyage dans le temps dans lequel on se laisser porter avec grand plaisir.
Néanmoins, le métrage de Curtiz n’est pas simplement qu’une forme somptueuse dénuée d’intelligence. Le cadre choisi est très intéressant : la guerre civile suite à l’avènement du monothéisme, la croyance en un dieu unique, Aton. Le déchirement de l’Egypte est plutôt bien mis en avant et ne manque pas trop de dureté. Curtiz ne manque pas de rappeler les contrastes évidents qui régnaient dans la terre des Pharaons, ouvrant ainsi son film sur la grandeur Egyptienne avant de l’entrainer dans la rue, si j’ose dire.
C’est dommage que le film insiste trop sur le propos du monothéisme. On ressent les caractéristiques de ces superproductions profondément influencées par la croyance chrétienne. Le dernier quart de Ben-Hur en souffrait, malheureusement. Ici, c’est moindre, mais le discours tenu manque parfois de subtilité. C’est un défaut qui entache d’autres éléments du film d’ailleurs, des petites ficelles scénaristiques exposées avec trop peu de subtilité, ce qui cause une certaine prévisibilité.
Ce que je trouve également dommage dans le film, c’est ses personnages, ou plutôt leur interprétation. On regrette l’absence de certains grands acteurs, familiers des fresques, qui crevaient l’écran de par leur jeu ou leur charisme, des acteurs comme Yul Brynner ou Charton Heston. Les seconds rôles s’avèrent déjà plus intéressants, notamment Victor Mature. Je ne comprends en revanche pas le choix de casting pour Nefer. Si Bella Darvi est certes très belle, suffisement pour incarner cette femme fatale, elle zozote. C’est triste, mais c’est un détail ridicule qui détruit le charme de son personnage.
Malgré ces défauts, L’Egyptien est un film visuellement somptueux qui n’a pas à rougir face à la concurrence (la direction photo m’a laissé parfois pantois), bénéficiant en plus des soins, à la musique, d’Alfred Newman et Bernard Hermann qui livrent une partition très inspirée mêlant mystique, dramatique et épique. C’est aussi un film qui n’est pas bête comme ses pieds, ça n’est pas juste une reconstitution carton-pâte de l’Egypte. C’est une superproduction talentueuse qui, à défaut d’être un chef-d’œuvre, m’aura fait vivre un très beau voyage de plus de 3000 ans dans le passé sous la baguette du magicien Michael Curtiz.