Conçue comme une coûteuse superproduction, typique de l'époque à Hollywood, supervisée de près par Darryl Zanuck, grand patron de la 20th Century Fox, l'Egyptien bénéficia de la meilleure équipe qu'on pouvait avoir en 1955 : 2 scénaristes de renom, Casey Robinson et Philip Dunne, un des meilleurs directeurs photo avec Leon Shamroy, grand maître de la couleur à la Fox, 2 musiciens prestigieux : Bernard Herrmann et Alfred Newman (qui offrent un générique splendide et une marche spectaculaire avec "Horemheb the new pharaoh"), des décors somptueux (qui seront en partie revendus à la Paramount pour les Dix commandements de Cecil B. De Mille), et enfin un casting de stars avec Victor Mature, habitué des films antiques, la superbe Gene Tierney, la troublante Bella Darvi en courtisane ambitieuse, Michael Wilding en pharaon illuminé, Jean Simmons en esclave amoureuse, Henry Daniell en grand prêtre, Peter Ustinov en serviteur dévoué, et John Carradine dans un petit rôle anecdotique.
J'allais oublier Edmund Purdom dans le rôle du héros de cette histoire, Sinouhé l'Egyptien, son ascension et sa chute. C'est un beau ténébreux venu d'Angleterre qui n'avait tourné que 3 films dans des rôles secondaires, l'Egyptien étant son premier rôle important en vedette ; il est cependant bien moins charismatique que Marlon Brando qui devait avoir le rôle mais le refusa parce que le scénario lui avait déplu, nul doute qu' il aurait sans doute mis un peu plus de tonus dans ce personnage un peu hébété. De même que Kirk Douglas devait jouer Horemheb, ami de Sinouhé, qui devient ensuite pharaon, et qui fut remplacé par Victor Mature qui ne démérite pas, c'est un emploi qu'il connait bien, rappelons-nous de Samson et Dalila ou de la Tunique. Quant au rôle de la courtisane Nefer, il était prévu pour Marilyn Monroe, mais il échut à Bella Darvi qui était la poule de Zanuck à l'époque ; c'est dommage que ce casting n'ait pu se faire, et en plus on a perdu la joie de voir Marilyn dans un péplum.
Est-ce pour ces raisons que le film m'a un peu moins plu qu'à mes autres visionnages ? Je ne crois pas, je l'avais vu lorsque j'étais encore très jeune, à une époque où les péplums étaient vraiment mes films préférés (en plus des westerns). Revu aujourd'hui, j'ai trouvé le film un peu décevant, plutôt lent, sans trop de rythme, plombé par trop de dialogues, à tel point qu'on se croirait parfois dans une tragédie shakespearienne. Ce n'est pas un péplum qui privilégie les scènes de foule et d'action, le ton est plutôt verbeux. Le scénario est surtout en cause, il manque de force et de puissance, il est pourtant écrit par 2 grands scénaristes, d'après le roman de Mika Waltari. Du coup, aucun acteur ne se démarque vraiment, chacun joue son rôle sobrement, sans appuyer et sans trop de présence, bien que certains soient un peu sous-employés (le rôle de Jean Simmons est presque secondaire, Gene Tierney a peu de scènes valorisantes, et le personnage de Nefertiti est relégué au second plan).
Mais on peut toutefois se laisser prendre au jeu, à la photo éclatante de Leon Shamroy, dont les couleurs sont assez vives, aux mélodies de Newman et Herrmann, aux décors, et au Cinémascope qui fait son effet. On remarque une certaine audace même avec un érotisme latent dans les scènes avec Bella Darvi. Le film reste une reconstitution grandiose et soignée de l'Egypte des pharaons au temps d'Akhénaton et de Nefertiti.