Inauguré par La Chute de la maison Usher, le cycle de Roger Corman sur l’œuvre d’Edgard Allan Poe s’est également prolongé avec ce film à sketches qui adapte trois nouvelles du poète et romancier américain. S’il n’est pas le plus connu, le résultat convoque tous les ingrédients qui ont fait la réussite de ce remarquable travail : Richard Matheson à l’écriture, Vincent Price en vedette (sans oublier le fabuleux Peter Lorre et Basil Rathbone) et un univers gothique des plus esthétiques. Une fois encore, Roger Corman parvient avec trois bouts de ficelle à créer une atmosphère envoûtante qui fait mouche autour de trois histoires qui comptent parmi les plus célèbres d’Edgard Allan Poe.
Le premier segment tient sur sa seule atmosphère. Dans des décors de studio qu’on pourrait qualifier de pacotilles, le réalisateur parvient à créer une ambiance onirique qui aurait pu être totalement kitsch. Jouant sur les ressorts habituels du genre (château à l’abandon, malédiction vengeresse et amour fou), Roger Corman offre un récit court mais terriblement efficace qui fait se côtoyer le rêve et le cauchemar. Le deuxième titre (qui a certainement été le plus adapté au cinéma) s’éloigne des vieux châteaux pour nous ramener dans les ruelles sinistres d’une petite ville aux accents victoriens. Plutôt que de verser dans l’horreur, il fait le choix d’un récit ironique et amusant qui voit le poivrot Peter Lorre enfermer vivants sa femme et son amant (Vincent Price évidemment en beau parleur) mais aussi, bien sûr, son chat noir. L’adaptation est plus rigoureuse qu’à l’accoutumée et le ton grinçant et amusant sied parfaitement à l’intrigue. Le dernier segment reprend rigoureusement l’histoire de Valdemar en y ajoutant un élément de première main, à savoir la beauté de Debra Paget pour une histoire d’amour en trois bandes. Alors qu'il a tendance à s'éloigner de l'oeuvre originale, le réalisateur est ici très respectueux de celle-ci.
Mal aimé des huit réalisations de Roger Corman, cet Empire de la terreur comporte tous les éléments qui ont la réussite de ce cycle remarquable. Jouant sur des tonalités différentes, le réalisateur réussit le pari d’en faire un ensemble malgré tout homogène. Vincent Price est parfait dans chacun des segments et le résultat un exemple de ce que doit être le cinéma gothique. À réhabiliter.