Martha Ivers (Barbara Stanwick) est la Madame Loyal de ce spectacle dramatique joué sur la piste triangulaire de ses (dés)amours < un mari procureur général alcoolique (Walter ; Kirk Douglas) et un flirt de jeunesse réapparaissant au bout de dix-huit ans (Sam ; Van Heflin) > et plus largement sous le grand chapiteau d'une ville entièrement sous son contrôle...


Martha hérite de la fortune de sa tante (notamment d'une usine) après l'avoir accidentellement (?) tuée dans un accès de colère.



I was 21 when I took it over. It had 3,000 workers then. It's got 30,000 now. (...) And I did it all by myself.



L'Emprise du crime (encore un titre français malheureux) peine à démarrer en raison des exagérations dans le jeu de la jeune Martha (Janis Wilson), de l'obséquiosité surjouée de son futur beau-père (Roman Bohnen) et de quelques ratages : la mort de la tante, l'accident de voiture de Sam...


Cependant, lorsque le film trouve son rythme, c'est-à-dire une fois tous les personnages adultes en présence, rien n'arrête plus le talent de Lewis Milestone et de son casting au service d'un récit faisant la part belle à l'étude psychologique.


Barbara Stanwick est magnifiquement diabolique en manipulatrice omnipotente... mais non dépourvue de talon d'Achille


( l'amour ! ... sans oublier que son enfance douloureuse a lourdement pesé sur ses choix, ses erreurs, ses vices )


Kirk Douglas, dont c'est premier rôle au cinéma, offre une superbe prestation d'époux méprisé et jaloux (mais lui aussi prisonnier d'hier... et bientôt de demain). On reconnaît déjà ici sa capacité à exprimer cette rage contenue et ce sarcasme qu'il affichera par la suite dans de nombreux films.



Sam, the superman. Sam, the dirty, little boy from the other side of the tracks.



Van Heflin est époustouflant d'aisance dans tous les registres, y compris dans l'humour (dont le film n'est pas dénué, malgré les thèmes abordés).
Ainsi, au marin* pris en stop et réveillé après que la voiture a percuté un poteau, Sam signifie : "La route a tourné, mais pas moi"...


Lizabeth Scott est moins convaincante que ses excellentissimes partenaires. Ses lourds mouvements de bouche tendent à agacer. Marilyn Monroe aura les mêmes, mais les siens colleront parfaitement avec les situations comiques. Ceux de Scott gâchent parfois des scènes censées être tendues. Elle s'en sort pourtant fort bien (compte tenu du niveau très élevé du casting et de ses performances), tout particulièrement dans l'humour décalé et les moments doux-amers.



I missed a bus once and I was lucky. I wanted to see if I could be lucky twice.



En enchaînant ses personnages au boulet du passé (tout particulièrement le vénéneux couple Stanwick-Douglas), en montrant la difficulté de s'en libérer < de se libérer des fautes et des faux-semblants > et de maîtriser un destin capricieux, voire implacable, Milestone nous livre bien plus qu'un film noir : une tragédie, somptueuse.


Le triangle Martha-Walter-Sam a beau déployer tous ses angles cornéliens à merveille < ressentiment, passion, jalousie, amour~haine, pardon, espoir (déçu), chantage (affectif) >, jamais l'issue de ce bijou cinématographique n'est prévisible...


* Ce marin n'est autre que... Blake Edwards.

yaleker
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le 30 mars 2020

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