Je l'ai revu mardi aprèm.
C'est amusant de se le refaire après toutes ces années. C'était mon premier Andreï Tarkovski et un de mes premiers films soviétiques à l'époque. Et à l'époque, je n'avais pas décelé toute la consistance du film qui est à la fois matriciel de ce que sera plus tard Tarkovski (dès Andrei Roublev pour le dire clairement), et un OVNI dans son oeuvre (et quelle oeuvre !).
A vrai dire, c'est son premier long-métrage après deux courts essais au VGIK, l'école de cinéma de Moscou, où Andreï était étudiant. A l'époque, le film fut acclamé partout, autant en URSS qu'à l'étranger. L'enfance d'Ivan brigua le Lion d'Or à la Mostra de Venise en 1962. Pour les autorités soviétiques, Tarkovski serait ce nouveau grand faiseur d'un cinéma soviétique du dégel, initié par Mikhail Kalatozov et Grigori Tchoukraï.
Et oui, clairement, on retrouve dans ce premier film les traces prégnantes des grands formalistes russes de la fin des années 50. Un cinéma classique, très esthétique, et antimilitariste. Les parallèles avec Quand passent les Cigognes (palme d'or 1957) ou la Ballade du Soldat sautent aux yeux.
Et pourtant ... Pourtant, il y a déjà ce grain de lyrisme et de symbolisme si tarkovskien, mais qui ne s'annonce pas directement. C'est par la figure du rêve et du fantasme que le jeune cinéaste glisse des piques surréalistes et spiritualistes : les arbres, la croix, les quatre éléments, tout Tarkovski est déjà dans L'enfance d'Ivan ! La différence, donc, c'est que le langage tarkovskien, encore balbutiant, se contient dans les codes de ses récents prédécesseurs : la guerre, comme toile de fond pour amener l'émotion et la poésie. Tarkovski connait son Kalatozov sur les bouts des doigts mais il manque encore d'assurance pour laisser exploser son style.
La conviction, il l'aura quatre ans plus tard quand il réalisera sa grande fresque métaphysique dans la Russie du XVe siècle, Andrei Roublev, dont le spiritualisme débectera la censure. C'est à partir de là que le régime soviétique commencera à l'emmerder.