Avec L’Enfant, nous retrouvons notamment Jérémie Renier, acteur récurrent dans la filmographie des frères belges. Il incarne ici un jeune homme désœuvré, qui n’a d’autre réelle activité que de commettre des vols qui lui permettent de gagner l’argent, en s’associant également avec des gamins avec lesquels il marchande. Bruno, le personnage principal du film, est sans le sou et a tout pour être acculé et dans une panique permanente, mais, pourtant, il fait toujours preuve de détachement, n’hésitant pas à dépenser de manière déraisonnable. Il semble, surtout, inconscient. Et c’est surtout auprès de Sonia, avec qui il s’apprête à avoir un enfant, que son attitude est inexplicable et étonnante. En effet, le jeune homme semble bien peu concerné par le sort de l’enfant, rapportant toujours tout à l’argent et agissant toujours de manière impulsive.
Il est intéressant de voir L’Enfant juste après avoir vu La Promesse, tant les deux films semblent, quelque part, se répondre mais, aussi, s’opposer. Dans La Promesse, Jérémie Renier campait le rôle d’un adolescent débrouillard et intelligent mais menotté par les activités de son père. Dans L’Enfant, il devient un jeune adulte, toujours en marge, mais qui est resté comme un enfant dans sa manière d’agir, incapable d’agir de manière responsable. La Promesse exposait l’acquisition de l’indépendance par l’émancipation, quand L’Enfant expose la prise de conscience par l’accumulation d’erreurs et le dépassement de limites. En effet, dans L’Enfant, les Dardenne explorent la capacité des individus à faire face à leurs responsabilités, à assumer leurs actes, et, surtout, à survivre.
Il y a quelque chose de très originel dans l’histoire contée par les Dardenne, avec ce jeune couple qui tente de survivre au jour le jour, et la naissance de cet enfant dans un contexte défavorable, voire hostile. Toujours dans cette ambiance grisâtre, sans musique, juste avec cette caméra qui suit les personnages et analyse leurs états d’âme, les Dardenne cherchent à pousser les individus dans leurs retranchements, en les dépouillant de tous biens, les réduisant quasiment à leur état de nature. Comme dans La Promesse, les frères choisissent de mettre en avant un personnage relativement antipathique, qui semble ne pas avoir de réelle considération pour les autres, qui risque souvent de s’attirer l’hostilité du spectateur, mais qui le fera également s’interroger sur les vraies intentions de Bruno.
L’Enfant est un film sans compromis ni fioritures, qui n’épargne personne. C’est une perpétuelle descente aux Enfers dont on n’imagine que la conclusion ne peut ne nous mener que droit dans le mur. Une nouvelle fois, les acteurs contribuent activement à l’aspect très réaliste du film, nouvelle oeuvre naturaliste des frères Dardenne qui, autant qu’ils sont capables de cultiver un désespoir ambiant et étouffant, parviennent toujours, quelque part, à créer et entretenir une petite lueur d’espoir.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art