Un Dardenne de plus que je me paye de luxe de revoir. Quel choc une fois de plus !
C'est qu'ils savent le remuer le poignard les deux frangins ! Mais subtilement, pas comme des fous. Ils prennent le temps de s’approcher de leurs personnages, de les accompagner, de les suivre, de les filmer au plus près de leurs émotions, comme des torts boyaux.
Car vu la situation dans laquelle il sont, ce sont souvent des larmes ou de la colère qu'ils transpirent.
Ici, on suit le parcours chaotique d'un jeune couple, Bruno (20 ans) et Sonia (18 ans), qui viennent tout juste d'avoir un enfant.
Bruno se permet le luxe de louer la chambre occupée par sa copine, tandis qu'elle est à la maternité en train d'accoucher. Quel culot ! Le pire c'est qu'il ne se rend même pas compte du problème et de la galère dans laquelle il entraîne sa copine et le bébé, tout juste né.
Il faut dire que Bruno est complètement paumé, à côté de la plaque. Il vit de petits trafics, de revente d'objets, de petites magouilles de rien du tout, mais qui lui permettent de survivre.
Malgré tout, Bruno a un certain charme, il est drôle, fantaisiste, débrouillard à sa façon. C'est ce qui plait à Sonia, qui en est amoureuse, au point de garder ce bébé qui vient de lui, malgré la petitesse de leurs moyens.
On se surprend nous mêmes à l'aimer Bruno. Son côté enfantin, presque naïf a un charme irrésistible. D’ailleurs, son meilleur compagnon est un enfant, un pauvre gosse débrouillard, qui fait comme lui des petits trafics. Il est du côté des petits, Bruno, de ceux qui souffrent et qui essaient tant bien que mal de se sortir de la boue (cf la scène de la noyade). Alors, on a pas pitié, mais de la commisération, oui.
Sonia a plus les pieds sur terre, sans doute car c'est une fille, et aussi, car elle a une nouvelle responsabilité toute récent qui lui est tombée dessus, son bébé Jimmy. Un beau poupon hyper sage, qui ne pleure jamais.
Jimmy est d'ailleurs presque transparent aux yeux de Bruno. Il n'en perçoit pas l'importance pour lui et pour Sonia. Il le considère comme une marchandise à vendre. Là, il va commettre cet acte très grave à nos yeux, mais qui pour lui, est banal. Il a très peu de scrupules à le faire, demandant juste, du bout des lèvres, à l'entremetteur, si son fils va atterrir dans une famille convenable.
Il était loin de s’attendre à la si vive réaction de Sonia, bouleversée dans sa chair de jeune maman, dont le corps ne peut supporter d'être séparée de ce tout petit qu'elle vient de mettre au monde.
Cette absence d'anticipation, autant que son acte en lui-même, montrent qu'il est totalement hors des limites, de ce qui se fait ou ne se fait pas.
Il est hors cadre Bruno, et pourtant il est plus que jamais dans le cadre des frères Dardenne, qui ne le lâchent pas des yeux, hormis pour s'attarder sur les corps et les visages de Sonia et Jimmy, protagonistes malgré eux de ce drame.
Faire machine arrière ne sera pas simple pour Bruno pour reconquérir le cœur de sa belle. Il lui faudra tour à tour mentir, fuir, négocier, subir.
La fin redonne un peu espoir. Une continuité du couple est -elle possible après cette lourde trahison ? Le gringue de Bruno recommencera t'il à faire effet sur Sonia. Allez, pour la paix des âmes, on parie que oui. Et puis, c'est redonner une chance à cette petite frappe, ce paumé quasi inoffensif, qui, on l'espère, aura peut-être pris un peu de plomb dans la cervelle.
Les deux acteurs principaux que sont Jérémie Renier et Déborah François sont à tomber par terre, par la luminosité de leurs jeux.
Alors, ça valait une palme d'or ou pas ? A vous de débattre