Idaho, années 50, l'été, champs de blé immenses, soleil intense. Les premières images, sublimes, portées par une musique aux accents dramatiques, donnent le ton d'un film inclassable, étrange et envoûtant.
Les yeux immenses de Seth font écho à ceux du jeune héros de La nuit du chasseur, mais ici le mal est indéfinissable, partout, nulle part, imaginaire peut-être... Film pictural et lyrique mêlant peurs enfantines et frayeurs adultes, la guerre du Pacifique, Hiroshima, la vieillesse, la mort, la folie, L'enfant miroir est aussi puissamment beau que profondément troublant.
Guidé par le regard intense de cet enfant fantasque, dont on ne sait s'il y est trop intelligent ou totalement perdu, innocent mais cruel, coincé entre une mère autoritaire et un père en retrait, tous dans l'attente du retour de guerre du grand frère, héros de la famille, figure idéalisée, on se laisse porter par un récit aux allures de conte cruel dont la structure mouvante, absolument maîtrisée, nous malmène constamment.
Datant de 1990, le premier film de Philip Ridley, écrivain et peintre, sort de l'oubli à l'occasion de son édition DVD. Visuellement très imprégné des tableaux d'Edward Hopper et Andrew Wyeth (qui inspira récemment Wim Wenders) dans un naturalisme sublimé, nourri par la superbe partition de Nick Bicât, défini par son auteur comme du "gothique américain", L'enfant miroir éblouit par son traitement singulier du récit fantastique.
Filmant les plaines de l'Idaho avec autant de puissance qu'un peu plus tard Gus Van Sant, Philip Ridley nous offre un film aussi lumineux que noir, comme un lent rêve éveillé aux accents cauchemardesques.