Un monologue de 52 minutes du cinéaste le plus zédard de notre beau pays, entrecoupé d'extraits de ses films, est attirant au premier abord. Suivant la mode des bonus actuels dans l'édition vidéo indépendante, à savoir asseoir un intervenant dans une salle de cinéma vide et l'écouter parler d'œuvres cinématographiques, Sylvain Perret (un passionné très actif sur les réseaux sociaux et partageant le reste de son temps à travailler pour 1Kult et la Gaumont) propose à François Gaillard de revenir sur son parcours d'artisan-cinéaste qui se résume inlassablement à "J'ai foiré mon film et il faut que j'en fasse un autre pour prouver aux gens que je ne suis pas qu'un zédard"... Près d'un quart de siècle s'écoule, les films s'enchaînent, mais le discours reste le même. Et ce n'est qu'au bout d'une cinquantaine de minutes que Gaillard nous révèle qu'il est (enfin) fier de son petit dernier, un hommage aux giallos d'antan intitulé 13 Notes En Rouge et dont l'édition en Blu-ray vient d'être annoncée pour cette année par le très discret mais efficace diffuseur Sadique-Master (géré par Tinam Bordage, organisateur du Sadique-Master Festival sur Paris et éditeur-distributeur de DVD et de livres sur le cinéma de genre extrême, à la manière d'Uncut Movies).
Ici, François Gaillard raconte donc et se répète, telle une boucle techno, en mettant en valeur ses potes qui le suivent dans ses délires fauchés depuis plus de 20 ans, le tout accompagné de terribles humiliations de la part des critiques professionnels (dont celles d'Alexandre Bustillo, dans les colonnes de Mad Movies, qui ferait pourtant bien de relire ses scénarios et d'apprendre à écrire des dialogues avant de nous imposer ses films).
À défaut de moyens financiers, Gaillard est pourtant chanceux. Distribuées en vidéo par les Britanniques de Redemption, ses deux premières œuvres ultra amatrices rencontrent un petit public, dont l'équipe du Chat Qui Fume qui distribue par la suite Blackaria, son troisième long-métrage, et finance le quatrième, Last Caress, avant de lui conseiller de se faire oublier un certain temps face aux railleries provoquées par le public et les critiques. Un destin à la Jean Rollin, la poésie en moins...
Bref, tout cela aurait pu être passionnant, surtout en matière de persévérance couplée à la volonté de croire en ses rêves, mais l'absence de créativité formelle de la part de Perret gâche inconditionnellement le documentaire. Et Gaillard, aussi sincère qu'il puisse être, étant à 100 000 lieues de nous happer comme savent parfaitement le faire Jean-François Rauger ou Olivier Père, l'exercice devient rapidement vain pour un public non averti au genre. Et malheureusement, prêcher chez les convaincus est toujours resté stérile et n'a jamais fait évoluer un mouvement artistique, d'autant plus lorsque celui-ci tend vers l'extrême.