Avec ce film qu'il réalise en 1977 juste après le troisième Harry L'inspecteur ne renonce jamais, Clint Eastwood semble se lancer dans un petit polar de série, alors que le film est bien plus intéressant que ça. Clint retourne sur les traces de Harry mais dans une sorte d'entreprise de démolition de son personnage, en mettant en échec le système bien rodé construit autour de Harry. Le flic Ben Shockley est en effet moins un anti-héros qu'une version dégradée et ratée de Harry, presque un minable, un paumé défaillant, souvent assisté par Gus Mally, le personnage de prostituée joué par Sondra Locke, bref l'image de macho superbe au 44 Magnum en prend un coup, et finalement Shockley est le flic que l'on veut supprimer (il n'y a pas de criminel dans ce film). Pourtant, l'ombre de Harry Callahan plane sur tout le film, notamment lorsque Shockley se retrouve dans le désert confronté à une bande de Hell's Angels, et bien sûr lorsqu'il aura accompli son épreuve en défenseur de la justice grâce à un véritable parcours initiatique pendant lequel il est soumis à un rituel de violences en tout genre (une manière de revenir vers le modèle de Harry Callahan), acceptant les coups avec un masochisme jubilatoire. En effet, jamais il n'aura été aussi battu, humilié et injurié, Clint réussit donc à se parodier lui-même en incarnant un personnage au départ médiocre. L'Epreuve de force est un film d'action sans temps mort, mené tambour battant par un acteur qui se dirige lui-même dans une violente odyssée remplie de casse, tout en se livrant à un portrait d'une Amérique aux magistrats et policiers corrompus avec la pègre, c'est presque un film d'auteur, mais où on ne s'ennuie pas.