Projet de longue date pour George Lucas (qui souhaitait déjà le mettre en branle dans les années 80), Red Tails devait être au film de guerre ce que Star Wars fut au space-opera, c’est à dire une relecture virevoltante et plutôt bon enfant des péripéties d’un escadron afro-américain durant la seconde Guerre Mondiale. Au programme, donc, un divertissement pétaradant mettant en scène une troupe d’aviateurs face à l’envahisseur allemand, et cela en plein cœur de l’Europe de 1944.
C’est cette petite troupe, et plus particulièrement le jeune Joe Little (interprété par David Oyelowo), que nous suivons deux heures durant dans cette superproduction destinée à faire rêver les bambins et à gentiment leur faire prendre conscience de cette abomination qu’est le racisme. L’ambition est d’autant plus noble que George Lucas laisse son film aux mains d’Anthony Hemingway, un téléaste noir américain réalisateur de nombreux épisodes des Experts, de Battlestar Galactica, de Urgences, de Heroes, de True Blood, de Sur Ecoute, de Fringe, ou encore de Treme. Un solide artisan, en somme, que le père Lucas se permettra néanmoins de guider afin que le film obtenu ne s’éloigne en aucun cas de sa vision initiale (à tel point qu’il est officieusement le réalisateur de plusieurs des séquences de ce Red Tails).
Difficile alors d’aborder le film comme autre chose que « le nouveau film de George Lucas », tout juste sorti de la prélogie Star Wars et de la production du quatrième Indiana Jones. Détesté par bon nombre de cinéphiles qui considèrent à juste titre qu’il enterre une à une toutes ses plus belles créations (il faut voir le désespérant Star Wars Episode II pour le croire), Lucas s’enfonce encore un peu plus avec ce Red Tails qui sera un énorme bide au box-office américain, à tel point que les pays étrangers ne sortiront pour la plupart le film que directement en vidéo. Presque inimaginable, pour un blockbuster qui devait selon George Lucas rencontrer le même type de succès que Star Wars en son temps.
Le film n’est pourtant pas aussi mauvais qu’on aurait pu l’imaginer. Certes très schématique dans sa peinture des situations de la vie quotidienne de cette troupe de soldats, Red Tails trouve un certain souffle dans des séquences de dogfights qui ont à l’évidence su bénéficier de tout le savoir faire des équipes d’ILM.
Pour qui aime les effets spéciaux, Red Tails est ainsi un spectacle assez impressionnant, d’autant plus qu’il retrouve régulièrement la patine particulière des grands films du cinéma classique hollywoodien. Cependant, ce travail photographique parfois enivrant confine fréquemment au cliché, à tel point que le long-métrage d’Hemingway devient -probablement à son insu- une étrange accumulation de poncifs (l’histoire d’amour déjà vue cent fois, les figurants qui surjouent constamment la « vieille Europe », les couleurs jaunes de l’Italie…) qui s’élève de la sorte au rang d’art.
On pourra par ailleurs regretter la structure bien trop elliptique du récit (le personnage de la belle italienne Sofia disparaît pendant presque une heure, les fondus enchaînés coupent les fins de séquences sans jamais laisser le temps de respirer…), d’autant plus qu’ils ne dynamisent aucunement un film qui souffre de quelques moments tellement mornes qu’ils en deviennent terriblement ennuyeux.
Heureusement alors que quelques séquences aériennes et la « menace fantôme » allemande (très souvent invisibles, les ennemis sont représentés par un unique antagoniste chez qui on ne distingue que l’uniformité manichéenne du mal incarné) sont l’occasion de retrouver notre ami Ben Burtt, sound designer de génie déjà à l’origine du son de films aussi légendaires que Star Wars, Les Aventuriers de l’Arche Perdue, E.T., Dark Crystal ou plus récemment WALL-E. Avec lui revient tout un imaginaire enfantin des batailles aériennes et, bien que son travail soit en partie noyé sous une inepte couche de musique rock’n'roll en total inadéquation avec le récit présenté, il est évident que l’on prend plaisir à écouter toutes ses petites trouvailles.
Si Red Tails est un film en partie paresseux mais techniquement plutôt impressionnant, il n’est en tout cas pas la catastrophe annoncée par les fans du George Lucas de la période 8O’s… Oui, le casting est plat et ne brille à aucun moment de par son charisme. Oui, l’histoire d’amour n’a strictement aucun intérêt. Oui, le film accumule les clichés et les séquences un brin ennuyeuses… Mais il est aussi un maladroit mais sympathique revival des films de guerre qu’on pouvait voir sur les écrans jusque dans les années 80.
Pas mémorable, mais pas honteux pour autant, donc, d’autant plus que la conclusion du film est quelque peu surprenante.