Pourquoi L’ESPION QUI M’AIMAIT n’est finalement pas aussi bon qu’on le prétend ?

C’est le premier "James Bond" que j’ai vu quand j’étais petit à la fin des années 1970 ou au début des années 1980. Il a donc un côté madeleine de Proust très prononcé en ce qui me concerne. Et à chaque visionnage au cours des années suivantes, le charme a toujours agi grâce aux mêmes éléments, avant tout techniques, qui ont aussi très bien fonctionné auprès du grand public qui l’a largement plébiscité : la base immergée de Stromberg (et l'andante de Mozart lorsqu’elle sort de l’eau), les dents de Requin, le tanker qui gobe les sous-marins, la Lotus amphibie, les décors naturels égyptiens, la base dans le tanker et son monorail, le jet-ski, le parachute britannique, la musique de Marvin Hamlisch et la chanson de Carly Simon, Curd Jürgens en méchant mégalo, Walter Gotell en Général Gogol, Richard Kiel en Requin, et bien sûr ! Barbara Bach en Tatiana Amasova qui tient la dragée haute à Bond (et pas seulement).

Comme tout le monde, ce sont ces éléments qui m’ont fait considérer pendant des années ce film comme le meilleur "James Bond" de Roger Moore. Il a d’ailleurs servi ensuite de mètre-étalon pour tous les suivants. C’est le point de repère, la référence. D’autant plus qu’il a eu un grand succès à sa sortie en 1977, permettant d’affirmer définitivement Moore dans le rôle après deux premiers films qui n’avaient pas totalement convaincu. L’Espion qui m’aimait a ainsi permis de faire enfin table rase de l’époque Sean Connery.


Mais lorsqu’on revoit le film maintenant, avec plus de distanciation, on est bien agacé par certaines choses, à commencer par la manière dont cette fois (et encore un peu dans le film suivant) le personnage est interprété par Moore.

Toujours exagérément sûr de lui, non pas comme un espion qui risque sa vie en mission, mais comme un super-héros invincible qui toise les mortels. Il est toujours ironique et plus blagueur que jamais, tant rien ne peut l’atteindre. Et très (trop ?) souvent, son attitude détachée associée à une vanne balancée dans le même temps le rendent imbu de sa personne et finalement hautain et très méprisant. Et, c’est une première dans la série : il se moque des autres en permanence. Il méprise l’adversaire. Il méprise les hommes, et les femmes encore plus. Dans les deux films précédents, Moore se cherchait encore en James Bond et cet aspect-là était moins marqué, bien que déjà présent (cf. Rosie Carver et Mary Goodnight). Mais cette fois, il a pris de l'assurance, ce qui le rend imbuvable.

Autre source d’agacement : les dialogues hors scènes d’action ou d’intrigue pure. Bref, ceux des scènes intimistes. C’est à pleurer. Et ça commence dès la première apparition de Bond qui vire au grand guignol. Les dialogues dans le train avec Amasova, par exemple, ne seraient même pas dignes de figurer dans le pire des Harlequin. Et que dire de la dernière réplique du film : "Je marque pour l’Angleterre, Sir !" pour faire marrer grassement les lourdauds. Ça fait pitié. En fait, si avec Les Diamants sont éternels la série s'ouvrait à la vulgarité, avec ce film, c'est le personnage qui devient vulgaire. Et que dire de la scène où son indic’ (avec qui il a fait Cambridge) lui donne une de ses esclaves pour la nuit ? Malaise. Car, bien sûr, il ne refuse pas. On avait eu droit au même genre de situation gênante dans le camp gitan de Bons Baisers de Russie, mais ce n’était que suggéré (et il n’y avait pas de situation d’esclavage).

Là où le Bond de Connery remplissait sa mission avant tout, quitte à utiliser ou éliminer du monde en chemin, ami ou ennemi, homme ou femme, parce que "la fin justifie les moyens", c’est "la mission d’abord", cette fois avec Moore, c’est la même chose mais avec le mépris en plus. Ce qui le rend antipathique pour la première fois.


Pour ce qui est du scénario, ils ne se sont pas foulés. Fleming, mécontent du livre, n’avait pas autorisé l’adaptation de L’Espion qui m’aimait au cinéma. Il avait seulement permis d’utiliser le titre. La production ayant confié la réalisation à Lewis Gilbert, qui avait dirigé On ne vit que 2 fois dix ans auparavant, ne s’est pas trop creusée la tête et s’est contentée de recycler l’histoire du film de 1967, en remplaçant les capsules spatiales par des sous-marins et l'intercepteur par un super-tanker. Bref, L’Espion qui m’aimait est un remake d’On ne vit que 2 fois qui ne dit pas son nom.

Le film a certes toujours des qualités (la Lotus qui sort de la mer est une des meilleures scènes de toute la série), mais ses défauts ne peuvent le placer parmi les meilleurs "James Bond" de la série classique.

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le 27 nov. 2024

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Muffinman

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