Film de Martin Ritt réalisé en 1965 dont le scénario est tiré du roman éponyme de John Le Carré.
L'intrigue y est tortueuse, typique des romans de Le Carré ; elle relate une opération où Burton joue le rôle d'un transfuge en Allemagne de l'Est bien que missionné par l'Intelligence Service. Son employeur occasionnel veut l'utiliser pour confondre un est-allemand soupçonné de trahison alors que l'employeur anglais veut au contraire le protéger.
Ce qu'il y a d'intéressant dans ce film est la lutte à mort entre les services de renseignement pas du tout par passion ou par idéalisme mais plutôt par jeu de pouvoir. On assiste alors à des relations entre les divers protagonistes complètement déshumanisées où seul l'objectif personnel compte et où tous les coups sont permis. Et quand une tendre Claire Bloom, jeune communiste idéaliste au grand cœur s'y trouve mêlée, elle est automatiquement broyée.
On est très loin des films de James Bond où les idéalismes véritables Est et Ouest s'affrontent à travers des combats hautement justifiés et d'une grande noblesse. Ici il n'y a que du jeu et du calcul pour se maintenir sur une position, prendre la place d'autrui, défendre son petit pré carré.
D'aucuns reprocheront au film sa lenteur et l'absence d'actions spectaculaires ; je pense que justement que c'est parce qu'on est dans le film d'espionnage où l'action est feutrée, où chacun avance ses pions après réflexion. Ici on est dans la vraie vie qui se charge de rappeler à l'ordre l'imprudent et où l'espion, pour faire son travail, doit composer avec des gens pas forcément très fiables, pas forcément très recommandables, en bref avec des traitres.
Les acteurs sont tous excellents :
Richard Burton en particulier à travers son personnage complexe d'espion en fin de carrière, tiraillé entre le devoir et l'écœurement d'avoir à se salir les mains avec des personnages peu ragoutants.
Claire Bloom est attendrissante dans son idéalisme et sa volonté d'empathie qui seront bien mal récompensés.
Côté allemands de l'Est, le calculateur Oskar Werner avec son accent inimitable et reconnaissable ou bien le froid manipulateur Peter Van Eyck sont des rôles qui font froid dans le dos.
A noter aussi que le réalisateur avait été blacklisté lors de la chasse aux sorcières aux USA. Il devait donc aussi savoir de quoi il parlait ... Il résulte de tout ceci un film très crédible que je recommande car témoin d'une époque mais peut-être bien toujours actuel dans notre monde de brutes.
D'un point de vue technique, l'image N&B est correcte et renforce la froideur du film.

JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films d'espionnage et Les meilleurs films de 1965

Créée

le 19 déc. 2020

Critique lue 261 fois

3 j'aime

JeanG55

Écrit par

Critique lue 261 fois

3

D'autres avis sur L'Espion qui venait du froid

L'Espion qui venait du froid
Morrinson
7

James Bond, alcoolique, passe à l'Est

"L'Espion qui venait du froid", c'est pour moi le meilleur James Bond. Ou, pour le dire autrement et de manière moins incisive ou ironique ou provocatrice, c'est un des meilleurs films que j'ai vus...

le 12 oct. 2016

7 j'aime

L'Espion qui venait du froid
Ugly
6

Alec Leamas, l'anti Bond

C'est l'exemple même du film d'espionnage froid et calculateur, à cent lieues de James Bond, qui décrit un univers sec, presque déshumanisé et d'où les gadgets fantaisistes sont exclus. Le...

Par

le 24 oct. 2016

7 j'aime

L'Espion qui venait du froid
blig
6

Le pion qui soufflait le froid

Alec Leamas dirige la cellule du renseignement britannique à Berlin Ouest. Check Point Charlie. Il est planté là, au beau milieu de la nuit, à la frontière avec Berlin Est, attendant que son agent...

Par

le 17 oct. 2014

7 j'aime

Du même critique

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

25 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

24 j'aime

5

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19