Voilà encore le genre de film qui rebutera une grande partie du public : je ne peux cacher mon goût pour le cinéma contemplatif. Ici, un tournage arrêté est prétexte à filmer l'attente, celle de l'hypothétique arrivée d'un producteur, Gordon, et de l'argent qui permettrait de terminer le film. En attendant les personnages sortent de leur rôle dans le film pour exister par eux-mêmes. On sent forcément le côté Beckettien de cette intrigue.
Mais L'état des choses, c'est aussi un film de cinéphiles, comme lorsque le personnage joué par Samuel Füller évoque le film Quarante tueurs, western de... Samuel Füller. Cela amène un nouveau pallier : les personnages sortent de leur rôle dans le film fictif au cours de cette attente léthargique, et en sortent parfois au point de sortir de leur rôle dans le film réel également.
La deuxième partie, malheureusement, s'avère loin d'être aussi convaincante. Le réalisateur, désespéré, décide d'aller trouver le producteur, qui se trouve à Los Angeles (le tournage a lieu près de Lisbonne). Cette partie emprunte les rails du polar mais apparaît comme beaucoup moins fascinante que ce qui précédait, bien qu'enfin "il se passe quelque chose". Au détour d'une scène on apercevra Roger Corman, clin d'œil amusant lorsque l'on sait que le film fictif est un tournage fauché de série B post-apocalyptique, typiquement le genre de projet qu'aurait patronné le désormais illustre producteur.
Bref, L'état des choses est une petite gourmandise de cinéphile, mais qui peinera à captiver un public peu au fait de cet "état des choses".