Voilà un western résolument atypique. La différence? Le bavardage! Je n'avais encore jamais vu un western où l'intrigue se jour davantage dans le verbe que dans l'action. La durée relativement courte m'a aussi énormément plu alors que bon nombre de films même des bons s'encombrent parfois de scènes inutiles.
Le scénario est plutôt intelligent. Les scénaristes ont quelque chose à dire et ils le disent, parfois au détriment de toute logique narrative. C'est-à-dire que les personnages, aussi bien construits puissent ils être (voir la la scène d'exposition), semblent parfois échapper à leur âme pour délivrer celle de leur dieu créateur. Cet écart est des plus audacieux et permet de sortir du récit ; en plus il amène un constat philosophique certes un peu utopique, mais idéal. La particularité est que tout se joue dans les dialogues plutôt bien écrits. Cela donne une sensation d'enfermement, de huis clos, comme si le texte avait été écrit pour le théâtre à la base. Les rares actions, typiques du genre pourtant, en semblent encore plus théâtrales par leur exagération (je renvoie toujoursà cette scènes d'exposition : la bagarre).
La mise en scène est également intelligente. Wellman fait les choses simples mais se montre pertinent dans ses choix. Là aussi il se permet des plans peu subtils (plan de la corde qu'un boy balance, plan de la lumière du jour) mais en même temps, ces plans en disent tellement beaucoup, ce qui permet de taire un peu les personnages l'espace d'un court instant. Les acteurs sont très bons, y compris dans les rôles caricatutaux ; en plus, Wellman a bien compris qu'un film où l'on tire sur la corde mélodramatique est moins efficace qu'une petite note d'humour ; ainsi, je n'ai pu m'empêcher de sourire à plusieurs reprises lorsque le bon vieux Fonda fait ses calembours.
D'un point de vue moral, c'est également intéressant. Sous des allures simples, le film pose des enjeux intéressants et complexes ; par son sujet, le film est très proche de "12 hommes en colère" (dans lequel Fonda joue également). Ce que j'apprécie c'est que rien ne vient vraiment confirmer si les victimes sont coupables ou non jusqu'à la scène finale. Le spectateur tient avec les héros dans le sens où l'on désire un procès équitable, l'affaire étant tellement floue. Peut être l'accumulation de preuves accablantes vient elle tout de même réveiller notre bagage culturelqui nous soufflera que dans ces cas là ils ne peuvent qu'être coupables? Peu importe! Ce qui m'intéresse, c'est la grande question que pose ce film à un moment crucial : dans quel camp êtes vous, pour ou contre le lynchage?
Bref, "L'étrange incident" est un western bavard aux qualités nombreuses, tant sur le fond que sur la forme. Et ce qu'il y a de bien c'est que même en sachant la fin, il y a tellement de questions qui sont posées qu'une revision ne pose pas trop de problème.