Probablement, le western que je voulais voir depuis le plus grand nombre d’années, tant sa réputation comme « premier western psychologique » (sous-genre informe sur lequel on a pourtant dit tellement de bêtises…) se maintenait depuis sa sortie jusqu’à en devenir persistante… Malheureusement, pas si facile à voir, où alors c’est que je ne cessais de le rater par inadvertance jusqu’à ce qu’un bon génie me le fasse parvenir un beau matin de la semaine dernière sous mon paillasson délavé bleu qui l’accueillait de toute la force de son alphabet cyrillique et que je remercie au passage (le bon génie, voyons, pas le paillasson…).
Au final, un très intéressant exercice de style comme Henry Fonda en joua tant, avec les défauts du genre, bien sûr et ce qu’il garde d’un peu maniéré malgré tout le talent et la verve de Wellman derrière la caméra, mais qui n’a pas perdu grand-chose de sa force et de son acuité.
Henry Fonda est un bouseux dégénéré du trou du cul du Nevada qui arrive dans un village avec son acolyte taciturne en pleine tension locale à base de vol de bétail et de meurtre local. Très vite, la ville s’échauffe, on prépare le posse et la corde à lynch et il y a Harry Davenport qui essaie de calmer les esprits, faut dire que lui, dans le lointain 1880 réel, il aurait presque pu participer en vrai à ce genre d’incidents, ça donne à réfléchir…
En fait c’est le microcosme habituel, la vieille baderne et son fils couard, le mystique demeuré, le pochtron, l’adjoint brutal, l’ami vengeur, l’hommasse couillue et la tripotée de pécores qui va bien avec… Tout ce beau monde s’ennuie, c’est divertissant la justice, expéditive ou non, pas pour rien que le procès tient une telle place dans le divertissement ricain quand on y songe… Enfin, ici, le procès n’est pas encore à la mode, on a la démocratie à la place, c’est bien, c’est comme d’habitude, une majorité de barbares aura toujours raison contre une minorité de civilisés, à moins que je ne me trompe ou que le diable s'habille en pravda…
La bonne nouvelle, c’est que les suspects ne sont pas si loin, Dana Andrews en jeune père de famille, Anthony Quinn en mexicos classieux et interlope, le petit vieux gâteux aussi, comme toujours…
C’est sympa les films de posse, tout ce que l’humanité connait de plus répugnant réuni pour la bonne cause… « La preuve du pire, c’est la foule » disait ce bon vieux Sénèque qui en connaissait un rayon… Même notre bon Henry s’efface progressivement dans la mêlée, à l’époque, faut suivre l’air du temps si on ne veut pas finir branché, et tant pis si le vent souffle où il veut comme pour Nicodème, c’est vraiment pas le moment de faire de l’esprit ou de trop tirer sur la corde, la justice attend l’aube, c’est comme la charge de Little Big Man, mais sans Garryowen…
Il y a donc dans ce film un trop plein de didactisme qui nuit à l’intérêt du sujet, faut voir aussi le public visé, mais rien qui empêche de goûter pleinement à la poursuite fraîche et joyeuse, aux verres de bières partagés entre amis au troquet du coin, au barbecue nocturne, à la petite tige qu’on fume pour se réchauffer, au café qui mijote en attendant le dernier verre de rhum.
Alors certes, sur un sujet proche, Furie était infiniment plus convaincant, mais tout de même, en 75 minutes joliment tenues, voilà un très intriguant western troussé avec une belle maîtrise par tonton Wellman et rien que cela mérite largement de s’y arrêter un bref instant.