Il règne un parfum de Marcel Pagnol sur ce film, qui se passe à Toulon et où on retrouve dans le rôle principal Raimu ainsi que plusieurs acteurs de la trilogie marseillaise. Raimu est un gentil commerçant, bon père de famille, mais qui la nuit montre un autre visage ; celui d'un receleur. Un soir, il va tuer un malfrat qui le faisait chanter, et va faire porter le chapeau à son voisin, joué par Pierre Blanchar, condamné au bagne à Cayenne. Il va réussir à s'échapper sept ans plus tard et retourne voir cet étrange Monsieur Victor.
Le film a été écrit et conçu autour de Raimu, lequel se montre magnifique dans l’ambiguïté, un bonhomme qui sous ses airs joufflus cache en fait un criminel. C'est tout l'attrait de cette histoire, qui est celle d'une dualité, mais pas seulement Raimu. Il y a aussi l'excellente Madeleine Renaud en épouse frustrée, Vivane Romance, et un certain Andrex, dont la trogne reviendra en tête aux amateurs de Pagnol.
Raimu ne joue pas vraiment sur son accent chantant, mais il a des moment de colère, de noirceur qui sont proprement terrifiants, surtout lors de ce fameux meurtre, qui est filmé de façon brève et quasi elliptique.
Le film évite tout pathos et manichéisme, et présente des gens tels qu'on peut le voir dans la vie ; ni noirs ni blancs, mais gris. Et c'est montré de manière si subtile que c'en est passionnant. L'étrange Monsieur Victor a été longtemps oublié car on avait cru qu'il avait disparu avec les temps, et cette version restaurée donne à l'admirer encore et encore. Et à se dire que Raimu était bien un immense acteur.