Film que j'ai vu au moins deux fois en cinquante ans mais dont je ne me souvenais guère. Le revisionnage ce soir avec mon épouse qui, elle, est croyante, s'est fait avec un certain nombre d'interruptions pour quelques explications sur le fond et surtout le rapport au texte.
Par exemple, un détail qui n'a aucune importance mais qui m'a bien amusé. Dans la scène d'adoration des rois mages, il n'y a pas de bergers. Or dans les crèches (de Noël), il y a TOUJOURS des bergers (et plein d'autres personnages, mais c'est hors sujet). Ben, c'est parce que dans cet Évangile, il n'y a pas de bergers ! Si Pasolini avait choisi un autre Évangile, il y aurait pu y avoir des bergers.
Bon, c'est dit, je n'aborderai pas beaucoup ici les sujets de fond de ce film et m'intéresserai plutôt à la mise en scène et au jeu des acteurs. Pour le fond, quand même, disons que les dialogues correspondent mot pour mot avec le texte. Et si j'avais à faire un commentaire ce serait pour dire que Pasolini me parait avoir eu un peu tort de vouloir aligner toutes les paroles du Christ, les unes après les autres, sans trop préciser le contexte. Cela confine au catalogue de citations, qui devient vite un peu indigeste (pour moi), en les ponctuant du sempiternel "En vérité, je vous le dis".
Le personnage de Jésus est interprété par un certain Enrique Irazoki qui, à l'époque, avait 19 ans. Un coup d'œil sur sa filmographie me donne l'impression qu'il n'a plus fait grand-chose, cinématographiquement parlant, après ce film. Un point important me semble être que Pasolini a choisi un acteur pas spécialement glamour, contrairement à d'autres films sur le même sujet qui mettent en scène de véritables Apollon aux yeux bleus. Du coup, ça lui confère une certaine profondeur et crédibilité. Pasolini en a d'ailleurs fait un personnage qu'on pourrait ne pas qualifier de sympa car on le voit plutôt vindicatif, militant, rabrouant ceux qui lui posent des questions. Souriant uniquement aux enfants. Quand il interpelle ses futurs apôtres au bord du lac, j'avoue qu'il faut avoir la foi vissée au corps pour le suivre sans un mot…
L'autre personnage dont je voudrais parler, c'est de Marie, la mère.
L'actrice interprétant Marie jeune est magnifique. Il s'agit de Margherita Caruso qui a un visage d'une très grande douceur. Là aussi, Pasolini n'a pas pris une blonde (platine) mais une actrice de type nettement méditerranéen la rendant très convaincante. Quant à Marie, un peu plus de 30 ans plus tard, c'est carrément la mère de Pasolini à l'œuvre et je dois dire que son visage tragique y est bouleversant. Un point commun, typique de Pasolini, c'est que les deux actrices ne prononcent pas un mot, donnant plus de force dans leur jeu en ne travaillant que sur leurs expressions.
La mise en scène est comme très souvent chez Pasolini très dépouillée, dans des terres arides qui correspondent bien à l'image qu'on peut avoir du Proche-Orient. Le noir et blanc accentue encore cette austérité ou cette pauvreté. Cependant, le tournage s'est effectué non pas en Israël, trop moderne, mais dans le sud de l'Italie beaucoup plus pauvre.
La BO du film alterne des morceaux classiques (la passion selon Saint-Mathieu) avec des chants issus du Gospel ou des Spirituals, ainsi que de la musique liturgique congolaise.
En définitive, sachant que Pasolini n'est pas croyant, il me parait avoir réussi à faire un film, assez consensuel, sur un homme particulier au destin singulier.