Je voulais le voir depuis très longtemps, mon paternel en gardant un excellent souvenir : je ne partagerais pas forcément son enthousiasme. C'est du vaudeville, voire du boulevard, ce qui se ressent assez logiquement, notamment à travers une intrigue un peu faiblarde, évitant toutefois de trop mettre l'accent sur ses origines théâtrales, l'action ayant l'habileté de se dérouler dans différents lieux, au moins différentes pièces. L'accent est clairement mis sur les dialogues et les acteurs, la mise en scène légèrement statique de Roger Richebé se révélant presque fonctionnelle, à quelques exception près.
Les choses s'accélèrent un peu dans la seconde partie, plus enlevée, où l'on se rend compte que la première heure avait au moins eu le mérite de mettre en place les choses, notamment quant aux motivations des personnages et leur caractérisation, l'interprétation étant évidemment un grand atout, à condition de ne pas avoir peur du cabotinage, voire de l'outrance : Jules Berry est en roue libre totale, Elvire Popesco n'est pas mal non plus dans le genre séductrice au cœur d'artichaut et André Lefaur pas en reste, même Pierre Larquey, excellent, faisant ici presque figure de sobriété : c'est dire.
Au-delà de ça, la critique de l'Académie est amusante, un peu caricaturale, certaines répliques exprimant la vanité, la prétention des différents membres et leur raisonnement absurde se révélant toutefois savoureuses, cette arrogance apparaissant presque rafraîchissante, au point de relativiser sur la supériorité des « puissants ». À ce titre, la dernière demi-heure, impliquant le Président de la République, est sans doute la meilleure : interprété avec une réjouissante bonhomie par Abel Tarride, le « premier » personnage de l'État est un homme
conscient d'avoir une fonction purement honorifique et de ne pas servir à grand-chose, si ce n'est remettre des récompenses,
amenant une légèreté bienvenue au milieu de tous ces grands airs aussi pompeux que méprisants. Pas du grand cinéma, donc, visiblement un peu édulcoré au vu du texte d'origine, mais se regardant avec un certain plaisir, à défaut d'être aussi cinglant qu'on aurait pu l'espérer.