Un film qui incarne toutes les valeurs de ce début d'années 70, juste avant la fin des Trente Glorieuses et du capitalisme triomphant.
C'est ce qui constitue le principal intérêt de "L'héritier", même si certaines de ces valeurs exposées complaisamment pourront laisser dubitatif le spectateur contemporain, comme la fascination pour l'argent ou la place des femmes...
L'homme de médias Philippe Labro signe ici son troisième long-métrage, et le succès du précédent ("Sans mobile apparent") lui permet d'accéder à un budget confortable et à un casting de vedettes, à commencer par Jean-Paul Belmondo, que le réalisateur prend le risque de rendre antipathique au départ, pour mieux faire ressortir ensuite ses facettes positives.
Belmondo incarne un playboy à la mode seventies, héritier d'un empire médiatico-industriel dont le patriarche vient de mourir dans des conditions troubles.
"L'héritier" sera à la fois le portrait de cet homme à part, transgressant les règles de la bonne société conservatrice, et l'enquête sur l'assassinat du capitaine d'industrie.
Si l'aspect thriller ne convainc qu'à moitié, en raison d'un manque conjugué de rythme, de tension et de vraisemblance, le portrait se révèle plus réussi. En effet, en bon homme de médias, Labro sait de quoi il parle, d'autant qu'il a lui-même fait ses études aux Etats-Unis, comme son héros, ce qui se traduit par certains détails authentiquement savoureux (les sweat-shirts d'Harvard floqués à leur nom, par exemple).
Certes, on pourra sourire devant l'aspect caricatural de ce héros viril inspiré de JFK, qui brave tous les dangers, prend la défense de ses propres ouvriers, et auquel nulle femme ne résiste ; mais le twist final inattendu permet de donner un sens nouveau à cette figure de surhomme.
Dommage en revanche que la romance centrale s'avère plutôt chiante, Labro insistant une fois de plus avec l'italienne Carla Gravina, une comédienne que je trouve froide et sans charme.
Même si "L'héritier" a pris un sérieux coup de vieux, et n'évite pas certaines fautes de goût (le gamin passionné par la bourse, le coup de la grenade...), on remarque le soin apporté par Labro à sa mise en scène, s'efforçant de proposer des angles de caméra innovants (comme dans le générique final, qui propose plusieurs points de vue, au ralenti), un montage atypique, et quelques idées de cinéma originales (comme cette fusillade dégommant les principaux chefs d'Etat...en photos!).
Ces expérimentations se révèlent parfois maladroites, mais on sent une volonté louable de sortir des sentiers battus, qu'on retrouvera dans la plupart de ses films.
Un dernier mot sur le casting prestigieux, au sein duquel se distingue Jean Desailly en homme de télévision débonnaire, Maureen Kerwin en call-girl rancunière, et le duo Charles Denner - Jean Rochefort en conseillers rivaux.
A noter enfin que "L'héritier" réunira en salles un peu plus de 2 millions de spectateurs.