Sur le papier on pourrait craindre que l'Histoire de Souleymane soit juste un mélo sans trop d'inspiration, avec une petite musique tire-larme pour faire pleurer dans les chaumières... Et immédiatement lorsque le film commence on se rend bien compte que ce n'est pas ça, déjà il n'y a pas de musique, uniquement le bruit de Paris, pris sur le vif, avec Souleymane qui tente de ne pas se faire écraser par les voitures alors qu'il traverse n'importe comment à vélo pour livrer des repas...
Il y a un côté dardennien avec cette caméra qui suit Souleymane pédaler dans les rues de la capitale.
On sent que le film a été plutôt bien documenté, toutes les galères que doit affronter l'immigré sont représentées jusque dans les petits détails que l'on imagine pas forcément... Comme par exemple mettre un réveil en pleine nuit pour appeler le 115 afin d'avoir une place d'hébergement en centre d'accueil le soir même.
Par moments j'avais un peu peur que le film tombe dans l'écueil de Sorry we missed you de Ken Loach, à savoir d'être finalement plus qu'une liste de galères que peuvent vivre les livreurs. Mais le tout est quand même relié ensemble de manière très organique, il n'y a pas de trucs qui arrivent où on sent que c'est un coup du scénario exprès pour mettre des bâtons dans les roues du personnage et en faire un martyr. Disons que ça fonctionne parce que ce qui l'empêche d'être plus serein être identifié dès le début. On voit bien que le gars qui loue son compte à Souleymane pour qu'il puisse bosser pour une entreprise de livraison de nourriture est un petit filou et qu'il ne meurt pas d'envie de payer Souleymane, donc forcément lorsqu'il rechigne à donner l'argent on n'est pas surpris. Tout ça ne tombe pas du ciel.
En fait on sent, puisque c'est organique, que tout ça c'est malheureusement banal, que c'est le quotidien de ce gars là et c'est ce qui le rend le tout plus tragique... ce n'est pas un mauvais coup du sort... c'est juste comme ça que ça se passe, tout le temps... Sauf peut-être l'histoire avec sa copine qui vient se rajouter en plus, à un moment où il n'avait pas besoin de ça.
Et c'est bête à dire, mais on voit des gens travailler, on voit que c'est compliqué, dangereux, que les gens ne facilitent pas la tâche et on comprend son propre agacement face à la situation.
En fait le défaut du film pour moi est sans doute sa fin, on se doute que le film va finir au moment de l'entretien pour savoir s'il peut bénéficier de l'asile en France et que donc le film va se finir sans que l'on ait la réponse. J'ai envie de dire que c'était trop couru d'avance... Trop écrit limite... Mais c'est surtout toute la séquence de l'entretien pour le droit d'asile qui me dérange un peu. Je trouvais que c'était une bonne idée de prendre une femme, toute douce pour faire passer l'entretien et qui pourtant incarne l’État dans tout ce qu'il a de plus inhumain. Le problème n'est pas l'individu qui n'est qu'une fonctionnaire et donc un pion, mais l’État derrière. Sauf que, ben en fait après avoir bien montré qu'elle n'était pas dupe pendant plusieurs minutes, elle devient sympa et semble tenter de réellement aider Souleymane...
Mais non, fallait pas... on perd tout le message politique... tout ça pour que la fin du film ne semble pas trop triste et que Souleymane puisse avoir un petit espoir d'avoir le droit d'asile. Fallait assumer que c'est déprimant...
Bref ça ne l'empêche pas d'être un bon film, mais ça manque d'un peu d'audace et le film semble un peu sage et convenu sur la fin...